Les deux amis: un vaudeville parisien attachant

France,2015

Note: ★★★ 1/2.

Le cinéma, c’est une affaire de famille chez les Garrel. Quand on a des parents réalisateurs et nul autre que Jean-Pierre Léaud comme parrain, il n’y a rien de surprenant à ce que le désir de mettre en scène soit un jour venu titiller l’esprit de Louis. Pour son premier long métrage Les deux amis, il nous livre une adaptation actualisée et amusée des Caprices de Marianne d’Alfred de Musset qui avait déjà inspiré le célèbre film de Jean Renoir, La règle du jeu.

Ici, Mona (Golshifteh Farahani) vend des sandwichs à la gare du Nord, à Paris. Clément (surprenant Vincent Macaigne) tombe rapidement sous son charme et loue les services d’Abel son meilleur ami (Louis Garrel) pour convaincre cette dernière de l’aimer en retour. Les prémices du triangle amoureux sont alors en place.

Dès les premiers plans du film, le jeune réalisateur s’échine à ce que le spectateur éprouve lui aussi du désir pour le personnage féminin (que l’on découvre sous la douche entre deux murs qui laissent entrevoir ses seins), le plaçant dans une position de voyeur qui cherche à en savoir plus tout comme Clément. Une fois cette connexion établie, l’empathie à l’égard de ce dernier ne fait que s’accentuer. C’est un être insécure, mal dans sa peau, qui prend les choses trop à cœur. Faisant parfois le figurant sur des tournages de film, son incapacité à gérer ses émotions fait alors ressortir sa maladresse pourtant pourvue de louables intentions.

En témoigne la scène où il souhaite offrir un oiseau en cage à sa belle. Seulement, tout comme Marianne, Mona n’est pas libre. Tous les soirs après son travail, elle doit rentrer pointer en prison. Ce cadeau symbolise l’enfermement d’un personnage qui refuse de s’attacher pour ne plus souffrir. Elle se sent oppressée voire persécutée par les attentions de Clément. De ce fait, la désinvolture dont fait preuve Abel lors de leur première rencontre (la trouvant physiquement commune) vient piquer son égo et sa curiosité qui l’amèneront à succomber au charme de la jeune femme. Lui, c’est un garçon à la morale douteuse qui voit même son propre intérêt dans un service rendu à un ami. Il est menteur et égoïste. Par sa faute, elle ratera son train et par la même occasion son retour en prison. Ce sera pour elle un billet direct vers la liberté qui prend tout son sens lorsqu’elle se met à danser avec un cadrage resserré sur ses maux, l’occasion d’expulser tout ce qui l’empêche d’avancer.

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Force est d’admettre que l’alchimie fonctionne plutôt bien entre les acteurs précédemment dirigés par Louis dans son court métrage, La règle de trois. L’humour distillé tout au long du film fait mouche, soutenu par les bobards incessants d’Abel et les crises existentielles de Clément qui évolue dans une relation anxiogène. Même sa tentative de suicide le rend attachant, il finit par devenir drôle sans jamais être pathétique.

Pour moderniser l’ensemble de la pièce originale, le réalisateur a fait appel à Christophe Honoré, qui l’a auparavant dirigé dans plusieurs longs métrages. Sa présence au scénario et à l’écriture des dialogues n’est sûrement pas fortuite. En effet, les deux amis se sont amusés à jouer avec les codes et nous présentent Clément et Abel comme un couple, s’engueulant au quotidien dans une scène de rupture hilarante tant la situation est incongrue. L’encadrement de fenêtre qui les séparent viendra appuyer cette idée. Sous la plume d’Honoré (fervent défenseur de la cause homosexuelle), on sent l’ambivalence des personnages sans jamais tomber dans l’ambiguïté qui n’est pas le sujet du film. Les deux comparses partagent tout, ils sont complices jusque dans les mensonges et les bêtises (vol de voiture). Ils se retrouveront au poste de police et finiront par s’endormir l’un avachi sur l’autre. Toute l’affection existante entre ces deux protagonistes réside dans ce seul plan.

Louis Garrel filme le spleen de ses personnages non sans un certain charme rappelant la Nouvelle vague (scène de reconstitution de mai 68 où ils font les 400 coups), période à laquelle il est souvent associé de par ses choix d’acteurs (The dreamers de Bertolucci, Les amants réguliers de son père Philippe Garrel ou encore Dans Paris de Christophe Honoré. Certes Les deux amis reste un vaudeville très parisien où la musique est parfois trop présente, alourdissant des scènes déjà chargées en émotions. Cependant, pour son premier essai, le sens du dialogue incisif et les quiproquos moqueurs dont le réalisateur fait preuve vient divertir sans jamais lasser.

Durée 1h40

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