Dominique Besnehard a été pendant près de quarante ans l’agent des plus grands acteurs et actrices français.
Il a créé il y a quelques années sa propre société de production, Mon Voisin Productions, qui a déjà produit une dizaine de long métrage.
Comme chaque année depuis maintenant quinze ans, il était de passage à Montréal pour le festival Cinemania et a bien voulu répondre à nos questions.
Syril Tiar : Producteur, ancien agent, parfois acteur et ambassadeur du cinéma français, où trouvez-vous l’énergie de faire autant pour le cinéma ?
Dominique Besnehard : C’est la passion; Je ne pense qu’au cinéma dans ma vie du matin au soir. C’est une sorte de sacerdoce.
ST : Vous ne l’avez donc jamais vu comme un travail ?
DB : Jamais ! Même lorsque j’étais agent et que je baignais dans l’administratif et le contractuel, je n’ai jamais pensé ça comme un métier. C’était comme jouer au Monopoly.
Ce que j’aimais, c’était trouver des beaux films et essayer que le metteur en scène soit ravi des contrats que je faisais.
ST : Lorsque vous vous investissez dans un film (ex : Ça ira mieux demain de Jeanne Labrune) et que vous avez plusieurs casquettes comme être agent et acteur, comment réussissez-vous à vous organisez ?
DB : D’abord je m’occupe de Nathalie Baye qui était sur le projet. Elle avait déjà tourné avec Jeanne Labrune et avait apprécié l’expérience. Donc j’ai accompagné mon actrice sur le film de manière ponctuelle et comme Jeanne m’aimait bien, elle m’a proposé ce petit rôle à côté. Mais je prends plus le jeu comme un amusement. Dans la règlementation française, lorsqu’on est agent en France, on n’a pas le droit d’être acteur…Donc j’envoyais le cachet au Sidaction ou à La Roue Tourne…Maintenant en étant producteur, je peux faire ce que je veux !
ST : Alors justement en tant que producteur, il faut prendre des risques…Quelle rentabilité on peut attendre d’un film comme le dernier de Jean-Michel Ribes ?
DB : Alors sur le dernier, nous n’avons rien gagné. Les brèves de comptoir a fait 200 000 entrées en France. Il n’a pas forcement marché donc c’est une opération blanche, on ne gagne rien; on ne perd rien….Je ne regrette pas de l’avoir fait. Mais je pense que ce projet qui était un énorme succès en librairie, n’était pas forcement quelque-chose pour le cinéma. C’était un concept des années 90; la société a changé; cela n’a pas eu l’air d’intéresser les jeunes…
ST : Est-ce que vous avez déjà envisagé de coproduire avec le Québec ?
DB : On a un projet actuellement avec Richard Lalonde. C’est un film qui s’appelle Pauvre George de Claire Dewaere. Il y a Gregory Gadebois, Karine Vanasse et Philippe Torreton… On a le financement en France mais pour la partie Québec, pour l’instant, il a été refusé en premier tour par la SODEC.
ST : Vous connaissez Guy Edoin…Comment fait-on pour motiver un jeune réalisateur face à toutes les barrières du métier…
DB : Je l’ai un peu aidé car il cherchait une actrice française pour Ville-Marie. C’est une chance qu’il ait réussi à motiver Monica Bellucci, c’est une actrice comme Sophia Loren. C’est ce qui lui fallait. Moi j’ai juste essayé de l’aider l’an dernier; il a rencontré des actrices….Mais Guy est quelqu’un que j’aime beaucoup; j’espère que son tournage s’est bien passé….Je suis persuadé qu’il ira à Cannes…De toute façon j’en veux pour mon festival d’Angoulême !
ST : Il y a des chances pour que le film soit prêt pour Cannes en effet, ils enchaînaient directement avec le montage…
DB : J’avais adoré Marécages. … En parlant de réalisateur québécois, vous saviez que Xavier Dolan allait faire un million d’entrées en France ? J’ai adoré le film !
ST : 10%, la série de Cédric Klapisch, c’est pour bientôt ?
DB : On a commencé il y a deux semaines ! C’est l’histoire de trois agents qui se font la guerre au niveau de l’art et de l’argent. Chaque épisode a une guest; Il y a Cécile de France, Françoise Fabian, Line Renaud, Nathalie Baye, Joye Starr, Julie Gayet…
ST : C’est une très bonne idée pour la télé; Exactement le type de projet qu’il faut trouver.
DB : On s’est battu…Je ne sais pas si cela se serait monté sans Cédric Klapisch….
ST : Dans votre livre, Casino d’hiver, sorti au printemps en France, vous dévoilez beaucoup…comme certaines petites phrases sur Dutronc ou Anconina….Avez-vous hésité ?
DB : Je ne voulais pas être malveillant…Je me suis quand même retenu …. Ce sont des anecdotes. Je n’ai pas de rancœur ou d’amertume. Bien entendu il y en a que j’aime particulièrement…mais j’ai osé dire ce que je pensais vraiment. Par exemple pour Béatrice Dalle qui est quelqu’un que j’adore, j’ose dire ce que je pense.
En même temps je n’avais pas envie de créer la polémique et je crois que si le livre marche c’est parce que j’essaie de dire les choses de manières positives … alors que beaucoup disent du mal de tout le monde.
ST : On apprend aussi dans votre livre le lien avec le Québec qui a près de quarante ans puisque c’est Claude Berri qui vous y a envoyé…
DB : En effet, en 1975 et j’ai tout de suite aimé… A l’époque je trouvais que c’était New York où l’on parlait français… et on m’avait envoyé ici pour le casting Ma première fois. J’adore les acteurs québécois; je crois que je pourrais vivre ici demain
ST : Dans votre livre, il y a quelques photos notamment une où l’on voit Nathalie Baye, Sophie Marceau et Béatrice Dalle à l’un de vos anniversaires…Quand on connait la concurrence qu’il y a entre les actrices et même si l’on sait qu’elles ne sont pas sur les mêmes rôles, on se dit que c’est assez improbable…
DB : Elles n’ont rien à voir en effet; Ce sont les trois plus proches de mes actrices…
ST : Si vous repreniez votre ancien métier d’agent, qui pour vous sont les espoirs de demain ?
DB : J’aime beaucoup Ana Girardot & Barbara Probst …Chez les garçons, Vincent Lacoste est drôle et émouvant. Il a une poésie. Sinon également Pierre Niney !
Chez les réalisateurs, un qui c’est démarque c’est Thomas Lilti qui réussit à faire de la comédie et être poignant en même temps !
ST : Et dans les artistes québécois ?
DB : Madeleine Peloquin et Maxime Dumontier…les deux ont gagné des prix au Festival d’Angoulême… Sinon, nous avons déjà beaucoup parlé de Guy Edoin mais j’ai hâte de suivre son travail…