Canada, Belgique, 2018.
Note: ★★★
Eye on Juliet de Kim Nguyen prenait l’affiche l’année dernière. Un an plus tard, le réalisateur québécois nous offre The Hummingbird Project. Les deux projets se ressemblent par leur dimension ludique. Nguyen s’amuse en effet à présenter l’absurdité du monde en utilisant le procédé du contraste. Tandis que le scénario du premier opposait la froideur d’un bureau de surveillance de Détroit et la chaleur du Sahara, dans le second, le cinéaste traite de transaction financière de Wall Street en tournant majoritairement en forêt, notamment sur des terres amish.
Dans un cas comme dans l’autre, le message du film passe facilement. Kim Nguyen a une plume réjouissante, mais n’est pas l’auteur le plus subtil. Dans The Hummingbird Project, avec une prémisse surprenante qui, à première vue, pourrait facilement susciter l’ennui, il arrive à rendre son film divertissant. Il le charge d’une dose d’humour et d’ironie bienvenue, à défaut d’en faire une œuvre particulièrement engageante ou transcendante. Dans l’univers immoral des marchés financiers, il insuffle humanité et moralité, demeurant ainsi fidèle au reste de son œuvre. Sauf que cette fois-ci, cette addition apparaît également comme un devoir moral que s’impose le cinéaste.
Le nouveau film du réalisateur québécois raconte l’histoire de deux cousins qui quittent leur emploi à Wall Street pour mettre à l’œuvre leur propre plan pour se rendre riches : construire un câble de fibre optique en creusant un tunnel de 1600 kilomètres entre le Kansas et le New Jersey. Ce câble leur permettrait de gagner une milliseconde sur les transactions à la bourse et ainsi de battre tout le monde dans cette féroce compétition capitaliste, en premier lieu leur ancienne patronne qui tente de contrecarrer leur plan.
La mise en image de cette histoire apparaît de manière quelque peu anonyme, impersonnelle. On s’éloigne du réalisme magique qui faisait le charme de Rebelle (2012) ou de Two Lovers and a Bear (2016), deux précédents opus de Nguyen. Les images du directeur photo Nicolas Bolduc sont moins impressionnantes que celles de ces deux productions antérieures qui arrivaient à faire des décors, l’Afrique subsaharienne et le Grand-Nord canadien, de fascinants personnages en eux-mêmes. Nguyen se permet des petits effets de style exagérés comme le ralenti ou un jeu sur la musique, pas très sophistiqués mais qui contribuent à souligner la dimension absurde de l’affaire.
Cette mise en scène sans trop de flamboyance permet aux personnages, et surtout aux acteurs, de l’être un peu plus. Dans le jeu de Jesse Eisenberg et d’Alexander Skarsgård se trouve la plus grande force du film. Même si leurs personnages apparaissent parfois un peu caricaturaux, les deux acteurs arrivent tout de même à les rendre drôles, humains et tragiques à la fois. C’est un plaisir de les voir se fondre dans leur personnage alors qu’ils bénéficient chacun de dialogues savoureux et de moments pour briller.
Avec des projets qui s’enchaînent rapidement les uns après les autres, Kim Nguyen semble avoir révisé certaines priorités dans son processus créatif. Un choix qui ne joue pas toujours en faveur de la qualité de ses films. Rapprochées mais très disparates, ses propositions surprennent à chaque fois. Des parcelles de bonnes idées se trouvent ici et là. Il resterait à les agencer de manière plus rigoureuse, créative et personnelle pour retrouver la force de son film phare, sélectionné aux Oscars, Rebelle.
Durée: 1h51