France, 2017.
Note: ★★★ 1/2
Difficile de décrire Laissez bronzer les cadavres, le nouvel ovni cinématographique du duo Hélène Cattet et Bruno Forzani. Hommage aux westerns spaghetti ? Trip de LSD sur pellicule ? Film expérimental ? Poème sensoriel ? Tableau vivant d’art contemporain ? Un peu de tout ça, bien ficelé, de façon démentielle, avec une quantité énorme d’hémoglobine et de coups de feu.
Madame Luce, interprétée par l’actrice d’origine roumaine Elina Löwensohn, est une artiste en mal d’inspiration qui habite dans un petit village abandonné dans les montagnes surplombant la Méditerranée. Pour contrer sa solitude, elle accepte la présence de certains visiteurs. C’est donc cet endroit, aux apparences paradisiaques, qui deviendra le théâtre d’une fusillade complètement dingue lorsqu’un groupe de braqueurs viendra s’y réfugier après avoir volé 250 kilos d’or. Ça va faire boom !
Délirant sur la forme, le fond, lui, est quelques peu laissé de côté. Devant la surabondance d’effets visuels et le nombre assez élevé de personnages impliqués, le spectateur met du temps à comprendre qui est qui ou quel personnage porte quel nom. Nombreux et peu bavards, les personnages ne favorisent pas l’identification. Qu’à cela ne tienne, la forme, elle, par son délire extrême, supplante le fond et nous place devant quelque chose de complètement unique et impressionnant.
Le découpage est halluciné, comportant un très grand nombre de plans qui ne durent généralement pas plus de six secondes chacun mais qui sont montés d’une main de maître. On a aussi droit à un jeu très amusant sur les sons, souvent amplifiés, que ce soit le bruit des crissements de manteau de cuir ou la viande que l’on découpe. Les couleurs, les focalisations, les grosseurs de plans (le très gros plan et l’insert en particulier), les plongées et contre-plongées, la musique, la surimpression… Tout y passe, tout est adapté à la sauce Cattet-Forzani, à leur goût, à leur folie.
Laissez bronzer les cadavres est une proposition excessive et radicale mais exécutée de façon extrêmement maîtrisée par deux cinéastes perfectionnistes. Avec leurs effets de mise en scène extravagants, multipliés au-delà de la saturation, il est évident que les membres de cet étonnant duo sont sur un délire total, mais également qu’ils savent ce qu’ils veulent faire et qu’ils le font très bien.
Durée: 1h32