Une oeuvre précise, étouffante, dont on peut reprocher la mécanique, mais qui ne peut laisser indifférent – ♥♥♥
Angeliki a 11 ans. Sa famille fait la fête mais on sent déjà que quelque chose cloche. Il n’y a qu’à voir les visages des enfants. Sans crier gare, Angeliki saute par-dessus le balcon. C’est ainsi que s’ouvre l’implacable « Miss Violence » d’Alexandros Avranas, Lion d’argent du meilleur réalisateur à la dernière Mostra de Venise.
Catalogué comme film-choc, remettons certaines choses en perspective. Ce qui rebute le plus dans le film, c’est probablement l’esthétisme d’une mise en scène qui ne laisse rien dépasser et qui, malgré les nombreux indices, mène en bateau le spectateur. Le contrôle du réalisateur est permanent : cadrages panoramiques utilisant le plus souvent de longues focales qui accroissent le sentiment d’étouffement, mouvements de caméra étudiés et ciblés, maîtrise de la construction narrative – le mystère autour de la petite Angeliki s’épaissit, à travers les différents personnages, tous finalement reliés par la même tension. Pourtant on redoute de trop deviner le secret, ou plutôt son ampleur. Là réside l’intérêt du film : jusqu’où peut-on aller dans l’absurdité des relations familiales tout en restant humainement crédible? Avranas développe très progressivement le malaise et le souvenir de l’Affaire Fritzl n’est pas loin. Vous vous souvenez de ce père autrichien qui séquestra pendant 24 ans sa fille tout en lui donnant 7 enfants? Je n’aime pas l’expression, mais la réalité dépassait la fiction. Je vous rassure, « Miss Violence » n’en est pas du tout l’adaptation, mais le film – inconsciemment ou consciemment – s’y repose, tout comme sur différentes références cinématographiques comme « Antichrist » de Lars von Trier, « The Virgin Suicides » de Sofia Coppola, ou son compatriote « Canine » de Giorgos Lanthimos – une oeuvre tout de même un peu plus extrême. Cruelle et inconfortable, cette quasi-tragédie termine à double-tranchant, de manière à la fois ambiguë et carrée. Donc malgré ses limites, le film vaut bien ses trois gros cœurs saignants, pour toutes les questions qu’il soulève, tant en termes de relations humaines que de cinéma.