Lisandro Alonso revient en force avec une oeuvre empreinte de la beauté et la dureté de la Patagonie. ♥♥♥½ 

S’il y a une chose que l’on ne peut pas reprocher au cinéma de Lisandro Alonso, c’est bien d’être bavard. En effet, que ce soit dans ses premiers (et meilleurs) films La Libertard ou Los Muertos ou encore les plus récents tel Liverpool ou Fantasma, Alonso préfère la retenue dans les paroles de ses personnages, recentrant sa caméra sur leurs actions et leurs environnements. L’environnement (autant géographique que social) définit et façonne les personnages de ses récits. Film après film, Alonso apporte un tel soin à sa représentation que son cinéma peut-être apprécié uniquement à ce niveau. Il poursuit cette démarche d’introspection métaphysique dans son dernier film, Jauja, qui ne dérive pas d’un iota de la filmographie de Alonso malgré la présence d’une star (Viggo Mortensen), bien connu pour une présence forte à l’écran.

Dans Jauja, Viggo Mortensen interprète Gunnar, un ancien capitaine de l’armée danoise qui est envoyé en Patagonie à la fin du 19e siècle. Rapidement, sa fille se sauvera toutefois avec un jeune soldat et Gunnar partira à sa recherche qui prendra rapidement la forme d’une quête métaphysique illustrée par la succession de rencontre impromptue et de moments troublants.

Tournée en 1:33 n’a pas empêché Alonso et son directeur photo Timo Salminen de présenter une vision somptueuse de la Patagonie. Malgré le format qui ne prête guère à l’illustration de paysage, chaque plan, chaque composition, chaque accessoire sont savamment imaginés et mis en place avec une idée de mise en scène et de photographie précise derrière la tête. Continuation parfaitement cohérente de la filmographie du cinéaste argentin, la Patagonie rude, impénétrable, magnifique, façonne les personnages, qui sont en retrait face à l’immensité des lieux.

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Rapidement, la recherche de sa fille prendra une tout autre dimension et sera le prétexte pour explorer le caractère trouble du personnage de Viggo Mortensen. Rappelant Herzog par moment pour la dureté des lieux face à l’impuissance des personnages, le film évoluera par moment dans des segments aux relents fantastiques. Le meilleur exemple en ce sens reste sans doute la scène la plus mémorable du film, échange entre Gunnar et une femme mystérieuse dans une grotte isolée à flanc de montagne qui aurait pu se retrouver tout autant dans un film de Lynch ou de Bunuel.

Lisandro Alonso est un peu un inconditionnel du circuit des Festivals, à l’image de Pedro Costa qui était lui aussi au FNC cette année avec Cavalo Dinheiro ou Naomi Kawase avec Still the Water. Nous allons voir ses films par automatismes et si nous sommes déçus, nous ne changerons pas nos habitudes, mais si nous sommes surpris, nous redécouvrirons avec plaisirs les grands moments passés et présents du cinéaste. Jauja rentre davantage dans la deuxième catégorie et confirme le talent formel de Alonso qui conjugue dureté et humanité dans un environnement inoubliable.

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