États-Unis, 2021
Note : ★★★ ½
Après le succès critique et commercial de Spider-Man : Into The Spider-Verse (2018), les producteurs Phil Lord et Christopher Miller reviennent en force avec une nouvelle aventure pour toute la famille. The Mitchells vs. The Machines réunit l’expertise du duo pour la maitrise de l’image animée et la fraicheur de la direction de Mike Rianda, qui réalise ici son premier long métrage. Nominée cette année pour l’Oscar du meilleur film d’animation, cette production promet divertissement, amusement et surtout, l’attachement pour des personnages aussi atypiques que familiers.
Directeur à la création de la première saison de la série animée américaine Gravity Falls (2012-2014), Mike Rianda délaisse ici le genre fantastique pour plutôt adopter la science-fiction (SF). Prenant place en 2020, The Mitchells vs. The Machines explore le thème récurrent de la révolte robotique à la manière de I, Robot (2004) ou The Terminator (1984), dans un contexte toutefois plus léger. Le récit met en scène la famille des Mitchell constituée de deux enfants, Aaron (Mike Rianda) et Katie (Abbi Jacobson), de leurs parents Rick (Danny McBride) et Linda (Maya Rudolph) et de leur chien Monchi, qui fait plutôt figure de mascotte. Typiquement hollywoodienne, la dynamique entre les quatre membres de la famille est très marquée. Il y a le rôle archétypal des enfants incompris de leurs parents et les frictions qui en résultent. Il y a aussi le père technophobe qui rêve de grand air et puis la mère empathique. Bien que ce soit avant tout une histoire de famille, le récit tourne surtout autour de Katie, une aspirante cinéaste qui vient d’être acceptée à une école de cinéma en Californie.
Dans un mouvement classique de la comédie nord-américaine, le père propose à ses enfants un road trip du Michigan à l’école de Katie en Californie, pour essayer de reconstituer la chimie familiale. L’apocalypse robotique survient au même moment et les Mitchell se retrouvent à faire face à leurs problèmes familiaux au milieu d’une situation des plus extraordinaires. L’idée du film repose alors sur l’absurdité, l’ironie de placer le sort du monde entier entre les mains d’une famille dysfonctionnelle.
Les Mitchells vs. le médium
Cette comédie prend surtout sa valeur dans la qualité de son animation. Lord et Miller ont remporté de multiples distinctions prestigieuses pour leurs derniers projets, entre autres l’Oscar du meilleur film d’animation pour Spider-Man : Into The Spider-Verse et le prix des meilleurs effets visuels aux AACTA Awards pour le Lego Movie (2014). Pour cette production-ci, Sony Pictures Imageworks, le studio avec lequel Rianda et les producteurs ont travaillé, a gagné le prix des meilleurs effets spéciaux et celui du meilleur design aux Annie Awards cette année.
En plus de récupérer le style unique élaboré pour Spider-Man : Into The Spider-Verse, qui associe des séquences réalistes générées à l’ordinateur à la fine pointe de la technologie et des images bidimensionnelles, le duo de producteurs a incorporé des prises de vue réelles. Si ce style composite s’est largement popularisé avec la série SpongeBob SquarePants (1999 -), plusieurs réalisations récentes l’on actualisé. Très à la mode dans les séries animées pour adolescents telles que Chowder (2007-2010) et The Amazing World of Gumball (2011-2019), cette combinaison illustre un amour pour le médium et ses possibilités. Une passion qui transcende la forme du film pour également se loger dans son fond.
Au cœur du sujet des tensions familiales se trouve l’incomprise Katie, qui détient une profonde relation avec l’art de la réalisation cinématographique. La main à la caméra, l’adolescente s’enthousiasme au long du récit à capturer des séquences vidéo des situations qu’elle vit avec sa famille. En incluant au montage ces dernières, mais souvent du point de vue de la caméra, c’est presque comme si le film devenait une autobiographie de Katie. Une œuvre qui se sert du médium pour parler de l’amour du médium. Une motivation pour tous les jeunes aspirants cinéastes.
Les Mitchells vs. la thématique
Si la forme mérite largement ses honneurs, le contenu laisse un peu sur sa faim. The Mitchells vs. The Machines est une très belle histoire d’acceptation et de valorisation de ses passions pour la poursuite de ses rêves. Une narrativité consolante qui n’innove toutefois pas dans son sujet et tend à s’éparpiller. Le thème de la famille est traité de manière originale et le moyen d’exposer la sensibilité des personnages est rafraichissant. Toutefois, ce dernier a de la difficulté à se détacher de ses usages typiques aux productions du genre. Par exemple, Rick Mitchell est vraisemblablement un emprunt de Clark Griswold, l’interprétation par Chevy Chase du paternel américain par excellence dans les films de comédie de la série Vacation (1983, 1985, 1989, 1997).
Le film finit alors par se parodier en s’appuyant sur une abondance de références cinématographiques et culturelles, de la série télévisée classique de Batman (1966-1968) à Avengers (2012), en passant par Dawn of the Dead (1978) et Small Soldiers (1998). Il est de plus en plus courant dans les films animés américains de grand public de voir le genre de la SF succéder à celui du classique conte fantastique. La révolution cybernétique a déjà été vue à maintes reprises chez Disney, avec notamment Wall-E (2008) et Big Hero 6 (2014). The Mitchells vs. The Machines n’arrive qu’à effleurer l’impact thématique que ces histoires moralisantes et empathiques détiennent. En parodiant le genre, il tend à rester à la surface de ce qu’une fable de science-fiction peut signifier et aux réflexions qu’elle peut inciter.
Alors, en restant dangereusement conforme aux représentations types des familles dysfonctionnelles américaines et en s’éloignant des tendances innovantes de la SF, l’œuvre ne semble pas pouvoir se rattacher concrètement à un sujet thématique. La parodie parait être la meilleure manière de réussir à rassembler le tout dans un ensemble tangible. Semblable à la comédie satirique Don’t Look Up (Adam McKay), The Mitchells vs. The Machines prend alors tout son sens dans son autoréférentialité. Il est sa propre caricature, un hommage au cinéma du genre. C’est un film de famille qui fait abstraction de l’originalité de son fond, pour plutôt tirer profit de l’exploration de sa forme. Une composition déjà-vu, mais fortement recommandée à toute personne ayant un intérêt pour l’art cinématographique et surtout pour son spectacle visuel parfaitement maitrisé.
Bande annonce originale anglaise :
Durée : 1h54
Crédit photos : Sony Pictures Imageworks
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