Le Livre d’image : Nouvelle, nouvelle vague

Suisse, France, 2018
Note : ★★★ ½

Jean-Luc Godard ne fait que réinventer la formule de faire et de voir des films depuis plus de six décennies. Malgré son âge, le cinéaste franco-suisse progresse sans cesse et sa vitesse d’expérimentation semble toujours progresser.

Contrairement à ce qui se fait de nos jours, Le Livre d’image n’a ni acteur ni tournage. Le film est constitué entre autres de vieux films, de documentaires et d’archives. L’œuvre est divisée en cinq parties où chacune est représentée par un thème. Le premier chapitre évoque la reproduction ; le deuxième est en lien avec la Russie et le communisme ; le troisième est un mélange d’images et de son qui fait référence au transport ; le quatrième cherche à questionner la démocratie ; le dernier et une réflexion sur l’assujettissement du Moyent-Orient.

Dans cette expérience cinématographique, les spectateurs, s’ils le veulent, peuvent adhérer à une aventure où leur conception du cinéma peut-être remise en question : de la mise en scène en passant par le son, jusqu’au montage final. Avec ce film, le cinéaste donne l’impression que la forme n’a pas de limite et que n’importe quel fond peut s’y agencer. Le titre en dit long sur la structure et l’aventure que nous prépare ce film. Toutes les parties de l’histoire sont structurées au moyen d’un montage d’images déjà existantes, fusionnées avec des débris sonores tels que de la musique, des objets et des voix. Confiant, Godard propose une œuvre avec des images trop saturées et contrastées, une conception sonore absurde et de surcroît, sa propre voix lors de la narration est déformée. Ce dernier opus crée un tourbillon assez dur à digérer, mais il ouvre et propose de nouvelles possibilités avec le médium. 

Le livre d’image est un film à saveur expérimental et dédié à des spectateurs voulant se perdre dans cet univers sans ligne narrative. Pour apprécier estimer l’aventure à son plein potentiel, il faut faire confiance au cinéaste et sa vision déroutante du cinéma traditionnel. En absorbant ses nouveaux codes cinématographiques, chacun peut en faire sa propre interprétation et sa propre appréciation. Le but n’est pas d’essayer de tout comprendre, mais de ressentir les émotions provoqués par le résultat du film. Ce n’est pas tout le monde qui apprécie le style de cinéma du réalisateur et avec raison. C’est pourquoi, au premier regard, on peut ressentir ou percevoir l’œuvre d’un angle arrogant ou méprisant. Mais au final, il veut partager sa découverte poétique comme une nouvelle façon de marcher et de parler. 

Pour les néophytes du cinéma de Godard, il est important d’y aller une page à la fois dans son nouveau livre d’image et d’avoir l’esprit ouvert aux nouvelles propositions. Ce qui fait de ce réalisateur un pilier du cinéma est qu’il utilise rarement un scénario, aucun dialogue préétabli, mais une suite de collages ou une mosaïque de particules visuelles et sonores. Ses films jouent avec les faux raccords et déconnectent les images du son qui deviennent deux entités à part entière. En plus d’être toujours en quête de renouveler le cinéma, il réinvente également la façon de créer avec son acolyte Fabrice Aragno. Ils travaillent en équipe de deux et utilisent de l’équipement plus amateur que traditionnel.

Érudit et passionné, Jean-Luc Godard cherche depuis le tout début de sa carrière à créer de nouvelles formes pour le médium cinématographique. Le Livre d’image, qui a obtenu une Palme d’or spéciale durant le Festival de Cannes en 2018, est disponible sur plusieurs plateformes de visionnement sur demande. Le film est sans doute l’un des derniers de la belle et grande carrière du cinéaste polarisant, iconoclaste et mythique âgé de 91 ans.

Bande-annonce:

Durée : 1h28
Crédit photos : Casa Azul Films

Vous en voulez plus? Retrouvez ici notre portrait de Jean-Luc Godard.

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *