The Code : Réinventer la forme avec énergie en pleine pandémie

États-Unis, 2024
★★★★

Dès l’ouverture du dernier film d’Eugene Kotlyarenko, une citation d’Orson Welles nous invite à chercher le sens caché derrière une œuvre, la pierre angulaire à dénicher afin de mieux la décoder. Proposition qui semble d’abord un brin prétentieuse, d’autant plus que le long-métrage s’annonce pour être un film de found footage un peu trash, dynamique, mais somme toute oubliable. Cependant, The Code recèle tout de même plusieurs surprises derrière son apparent amateurisme et vaut définitivement la peine qu’on s’y attarde.

C’est en pleine pandémie de la COVID-19 que Celine (Dasha Nekrasova), aspirante cinéaste, produit un documentaire personnel à propos du virus et de son impact sur sa vie. Mais bien vite, elle et son copain Jay (Peter Vack) comprendront que le film s’intéresse davantage à leur couple défaillant, où la sexualité est de plus en plus absente, qu’à la pandémie. En réponse à cette intrusion dans leur intimité, Jay décidera de livrer sa propre version du documentaire, filmant lui aussi certains moments de leur vie conjugale à l’aide de son téléphone cellulaire, amorçant ainsi une sorte de compétition de plus en plus malsaine entre le couple. The Code s’articule donc autour d’un collage entre les deux points de vue du duo, le tout entrecoupé par différentes expérimentations, telles que des vidéos Tik Tok ou des prises de vue tirées de caméras de surveillance.

Une telle proposition implique donc une attention particulière portée sur le point de vue du film. Puisque toutes les images utilisées sont, dans la diégèse, captées par l’un ou l’autre des personnages, il est également évident que le montage en soi devient représentatif d’une opinion exprimée par Celine ou Jay. On insistera souvent, par une post-production omniprésente, que le film est conscient de lui-même et de ses codes. Certains passages sont ralentis à outrance pour insister sur des éléments précis, comme lorsqu’un personnage déclare que « chaque détail compte ». D’autres moments sont montrés sous différents angles de manière simultanée, de façon à renforcer le sentiment d’intrusion des caméras dans la vie du couple. Le résultat est une forme hybride entre un faux-documentaire et un found footage bien orchestré, offrant une seconde interprétation à l’ensemble.

La forme éclatée du film, par son concept mais aussi par un montage de plus en plus expérimental au fil de l’œuvre, est ingénieuse de par son apparente simplicité. C’est par une expérimentation conceptuelle si forte qu’on se laisse prendre par un humour somme toute juvénile, relatant les défaillances d’un couple qui semble remettre la faute sur leur sexualité chancelante, et c’est avec beaucoup de surprise qu’on se fait surprendre par la maîtrise de la forme, qui se renouvelle constamment jusqu’à une finale franchement ingénieuse.

Malgré le fait qu’on ressente tout de même quelques maladresses, parfois au niveau du jeu, d’autres fois dans le scénario, dont certains revirements lui font perdre en crédibilité, le tout est livré sous une forme humoristique et absurde qui en justifie bien souvent les moins bons coups. Le film aurait gagné à élaguer certains ressorts comiques, tellement absurdes que le reste de l’intrigue perd en crédibilité, mais l’ensemble demeure cohérent et efficace.

Finalement, le documentaire de Celine n’aura pas porté sur la COVID-19, mais bien sur les difficultés relationnelles qu’elle vit dans son couple. Mais mine de rien, Eugene Kotlyarenko nous livre avec The Code l’une des œuvres les plus ingénieuses ayant la pandémie comme trame contextuelle, autant au niveau de sa forme, son concept que de sa réflexion sous-jacente.

***

Durée : 1h38
Crédit photos : Monument Releasing

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