Natural History

La patience à ses limites…♥♥

Plus on évolue dans la filmographie de James Benning, plus on semble se rendre compte que sa démarche s’épure de films en films. Dans les dix dernières années, nous avons en effet pu voir des oeuvres tels que Ten Skies, 13 Lakes, RR, Twenty Cigarettes ou Small Roads, série de vignettes en leitmotiv sculptant le temps avec merveille pour certains et jouant avec la patience des autres et surtout, des films qui pouvaient faire passer Béla Tarr ou Apichatpong Weerasethakul pour Michael Bay ou Paul W.S. Anderson ! Le fulgurant Stemple Pass l’an dernier, marquait un certain changement dans l’œuvre de Benning ; même si l’approche était identique, le côté résolument engagé (narrativement et politiquement) de la narration amenait une dimension différente qui donnait un nouveau souffle à son cinéma. Avec Natural History, sa dernière œuvre, il revient en quelque sorte au style qui a fait sa marque depuis le tout début.

Cinéaste de la contemplation inclassable qui a autant sa place dans un festival de cinéma que dans une exposition d’art contemporain, l’œuvre colossale de James Benning faisait l’objet d’une rétrospective aux dernière Rencontre Internationales du Documentaire de Montréal. Dans Natural History, Benning braque sa caméra sur le musée d’histoire naturelle de Vienne. Moins les expositions, c’est davantage les entrepôts, salles de réunion, corridors ou débarras qui semblent trouver grâce ses yeux. Benning continue son travail d’épuration qui est encore plus radical au niveau sensoriel. En plus des plans fixes, la caméra de Benning ne permettant jamais au spectateur de sortir naturellement de son cadre défini, le son est pratiquement absent de tout le film, mise à part certaines sonorités d’ambiance qui prennent principalement la forme d’un air climatisé central. De plus en plus, Benning s’éloigne le cinéma et se rapproche de la photographie ou de l’art visuel.

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Le montage sans doute le dernier vestige proprement cinématographique de l’œuvre récente de Benning et aussi le principal écueil de son dernier film. Les cadrages semblent en effet aléatoires, au détour d’un corridor du musée, et la durée des plans fixes également. Benning peut planter sa caméra 4 minutes sur un corps de reptiles dans le formol, puis passer 2 secondes sur un renard empaillé et 3 minutes sur un escabeau. Plutôt que de laisser les images s’imprégner en nous, il effectue des ruptures de tons sans véritable ligne directrice et semble beaucoup moins en contrôle que dans ses œuvres précédentes.

  Le choix des sujets laisse également le spectateur très perplexe. Benning mets autant sinon plus l’accent sur les réduits anodins que sur les collections prenant la poussière. Exit la beauté et la contemplation qui émanait de ses œuvres précédentes ; l’immersion sensorielle est impossible tant Benning semble vouloir nous la refuser. On comprend vite son objectif, mais on reste de glace devant son exécution. Il nous en reste peu à nous mettre sous la dent bien avant la fin de la projection et, malgré les petites 77 minutes que durent le film, la patience du spectateur est mise à l’épreuve à plus d’une reprise dans ce qui aurait sans doute eu plus de succès en tant qu’installation qu’en temps qu’œuvre cinématographique.

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