Vivre à l’ombre de sa propre vie, celle à laquelle on aspire. C’est ce que nous racontre Brandy Burre, dans le documentaire Actress, présenté aux RIDM 2014.♥♥♥♥
Brandy Burre a presque connu la gloire grâce à son rôle dans la série « The wire » (recommandée soit dit en passant). Elle a finalement choisi de s’écarter de Broadway. Aujourd’hui mère de famille dans une banlieue propre, Brandy cherche à revenir sur les planches. Piégée dans un quotidien qu’elle affectionne mais ne la complaît pas entièrement, Brandy livre sa performance face caméra.
Actress est tout autant un documentaire sociologique que philosophique. Le personnage de Brandy Burre est représentatif de la femme au foyer en crise de la quarantaine, mais aussi d’une question plus large est essentielle à la vie de chacun : quelle est ma place en ce monde ? Où puis-je m’épanouir pleinement ? La question se pose d’autant plus pour un artiste, qui trouve dans son travail un véritable accomplissement et une nécessité plus que financière.
Brandy Burre est actrice. La propension naturelle à se mettre en scène, le besoin de rejouer sa vie, voir de la dramatiser, brouille la vérité et l’authenticité (prétendues) du documentaire. Mais plutôt que de marcher sur cette limite (comme tant d’autres l’auraient fait), Robert Greene parvient à capter la mère consciencieuse, et à la dissocier de l’actrice volage et passionnée. La performance de Brandy, qui aurait pu devenir agaçante de nombrilisme, devient de plus en plus captivante alors que l’on avance dans sa vie et découvrons plus profondément son intimité. Les confidences sont un exutoire pour cette femme habituée à la caméra, qui la séduit et recherche sciemment notre sympathie. À peine sent-on l’actrice prendre le dessus, que les faux semblant s’effondrent et nous basculons dans la vérité d’un foyer en train d’imploser.
Actress illustre un problème malheureusement courant dans le milieu artistique. Appel à l’anxiété générale abordait dans un autre registre le statut de la femme artiste/mère, qui se retrouve irrémédiablement à choisir entre foyer et passion. Les deux exigeant une dévotion presque totale. Une question qui se posera rarement chez l’homme (à jamais pourvoyeur des ressources financières, même chez les plus libres penseurs comme le montre le couple Jessica Moss et Efrim Menuck). Brandy ne fait pas un caprice de banlieusarde. Elle exprime la vérité rencontrée par beaucoup de femmes de notre milieu cinématographique.