Québec, 2020
★★★1/2
Félix Rose, fils de Paul Rose la plus grande figure politique reliée au Front de Libération du Québec (FLQ), nous offre un portrait de sa famille sous forme documentaire. Un mélange classique entre archives de médias, archives familiales (inédites) et entrevues, Les Rose ne prend aucun risque formel, mais réussit à rendre justice au point de vue de cette famille politisée. Pour les friands d’histoire avec un grand H, mais également pour ceux qui veulent découvrir ou redécouvrir un pan majeur de l’Histoire du Québec.
D’entrée de jeu, le documentaire de Félix Rose nous plonge dans les archives, médiatiques (télé et radio) et personnelles (pellicule, vidéo et enregistrements clandestins lors de la détention de Paul Rose). L’esthétique visuelle souligne l’aspect historique de la proposition. Faisant des sauts entre le passé par les archives et les entretiens qu’il a effectués avec les membres rapprochés de sa famille (son oncle, ses tantes, sa mère), le réalisateur explicite sa position : il s’agit d’un portrait de famille avant d’être un film historique ou même politique.
Le film retrace les origines de la famille Rose, du quartier Saint-Henri à Ville Jacques-Cartier (aujourd’hui ville de Longueuil). Les frères Rose, l’aîné Paul et le cadet Jacques, doivent rapidement travailler, mais refuse d’être à la merci des patrons d’usine, patrons anglophones. Débute un engagement social, puis politique, mené par le charismatique Paul.
Les deux frères sont indéniablement des figures prépondérantes dans l’Histoire du Québec et de la crise d’octobre. Mais ici, Félix Rose rend hommage à sa grand-mère Rose Rose, et ce, dès les premières minutes du film. Si le sujet de Les Rose est l’engagement politique des deux frères et les gestes qu’ils ont commis, le cœur est la force de cette mère, pilier de ce film, son fil d’Ariane.
Le documentaire aborde les principaux développements de la Cellule de financement Chénier, groupe du FLQ dont faisait partie Paul et Jacques Rose : la Maison du pêcheur en Gaspésie, les braquages de banques, la ferme servant d’entraînement au groupe, l’organisation des enlèvements par la cellule Libération (enlèvement du diplomate britannique James Cross) et Chénier (le vice-premier ministre Pierre Laporte), la détention du ministre Laporte, la cavale, les procès respectifs des deux frères et la détention de ceux-ci. Tous ces événements nous sont racontés en parallèle avec la réalité de Mme. Rose et ses deux filles.
Les évènements sont menés par la parole de Jacques Rose que le réalisateur interviewe dans un contexte familial. L’élément charnière du mouvement n’y échappe pas : la mort de Pierre Laporte. La ligne ici priorisée par les intervenants et le film est celle de l’accident. Aucun spectacle ou justification enrobée, Laporte se serait coupé en essayant de fuir par une fenêtre fracassée. Même version des faits mise en images par Pierre Falardeau dans Octobre (1994).
L’injustice parsème le film ; des événements anormaux lors des procès aux violences du temps de la Loi sur les mesures de guerre. Si nous pouvons avoir des doutes sur la figure politique selon notre point de vue politique, le film réussit, en toute simplicité, à nous faire admirer la constance discursive de Paul Rose par les archives ; valeurs collectives, valeurs sociales, prises de responsabilités. Sans jamais le glorifier ou le transformer en héros, Félix Rose pose un regard sensible sur l’homme, son père, bien plus que la figure révolutionnaire en laquelle nous pouvons le transformer. C’est ce qui nous pousse à respecter les convictions de Paul Rose.
Quelques choix de ramener l’ampleur politique au contexte familial ne fonctionnent pas toujours bien (l’installation des fenêtres entre le réalisateur et son oncle entre autres), mais l’on comprend l’intention derrière. Ces séquences permettent également de prendre une pause des archives et des événements politiques.
Les Rose ne réinvente pas la forme documentaire, mais rend bien compte d’un engagement social et politique qui a transformé le Québec. Le point de vue est certainement biaisé par la proximité familiale du réalisateur et de ses sujets, mais il est assurément sincère. Le film s’ouvre sur les débuts de cette famille et se termine sur la toute dernière génération, la fille de Félix Rose. Lien et filiation familiale qui n’est certainement pas innocent. Les Rose est un regard doux sur une souffrance.
Bande-annonce en version originale française :
Durée : 2h08
Crédits photo : Office National du Film du Canada