Denis Villeneuve qui nous a habitué jusqu’à maintenant à un cinéma convenu, ennuyant, moralisateur et même abjecte par moment, signe ici, son premier film décent (ou le contraire). ♥♥♥½/♥♥
Un professeur d’histoire sans histoire découvre qu’il a un sosie identique en tout point, un acteur de seconde zone.
POUR: Tourné avant Prisoner, mais prenant l’affiche aujourd’hui, Enemy marque les premiers pas anglophone de Denis Villeneuve. Il inscrit son film dans une lignée de film à énigme. Les Mulholland Drive, Eyes Wide Shut, Images, Donnie Darko, Memento, Slipstream, Persona, certains films de Cronenberg, tous ces films qui laissent en suspens la résolution de l’intrigue complexe…
De ces références, Denis Villeneuve ne réussit jamais à s’en affranchir totalement. Une histoire de clé qui fait passer à la fameuse Clé Bleu de Mulholland Drive, voir même à la pièce de monnaie dans Somewhere in Time, des rencontres secrètes à la Eyes Wide Shut, le monde du cinéma comme Mulholland Drive et Slipstream, il filme Toronto comme on ne l’avait pas vu depuis Cronenberg à ses débuts, tout le jeux du double rappel étrangement Persona et, encore une fois, Mulholland Drive, jusqu’à la présence d’Isabella Rossellini qui rappelle les films de David Lynch. Même le montage et l’utilisation de la musique nous rappelle certains de ces films.
S’il ne réussit pas à nous faire oublier ces références, les films a tout de même de quoi nous tenir en laisse. Jake Gyllenhaal, qui fut d’ailleurs dans Donnie Darko, autre grand film énigmatique, prouve encore une fois qu’il est l’un des grands acteurs du moment. La direction photo, signée Nicolas Bolduc, est formidable, son jeu chromatique dans les tons de beige et jaune crée une ambiance suspecte et inquiétante, ses plans de la ville sont particulière réussis. Bolduc a fait un travail vraiment exceptionnel.
Peut-être que le film ne réussira pas à rejoindre autant qu’Incendies ou Prisoner l’a fait, mais assurément, il trouvera un public, un public qui prendra plaisir à trouver des explications plus ou moins sérieuses à l’énigme Enemy. C’est le genre de film qu’il faut voir et revoir pour vraiment comprendre le fonctionnement et l’articulation de la trame narrative et trouver les clés de la résolution. ♥♥♥½ Laurent Gariepy
CONTRE: Avec Prisoners, Denis Villeneuve semblait vouloir pousser la grande porte hollywoodienne; Avec Enemy, il était clair que son souhait était de montrer qu’il appartenait aux réalisateurs indépendant. Ce dernier joue donc la carte « indé » à fond: Décors et direction artistique ultra-travaillée en complémentarité avec une photo « lomo », Un scénario basé sur une histoire lourde de sens (ou pas) et avec des personnages qui parlent pas ou très peu et une musique capable de retranscrire une sur-tension importante pour des images qui ne la montrent pas !
Le résultat est donc à la fois surprenant et prétentieux, attendrissant et imbuvable… Pendant une heure trente, le spectateur assiste, passif, à ce léger polar identitaire qu’on croit capable de décoller à un moment donné. Même pas ! L’issue arrive et envoie un générique série B laissant le spectateur bouche-bée. Bien entendu, c’était la volonté démontrée…Malheureusement Denis Villeneuve n’arrive pas encore à la cheville de David Lynch ! ♥♥ Syril Tiar