Disparaître pour mieux renaître au monde – ♥♥♥½
En transit dans un hôtel international près de Roissy, Gary, un ingénieur en informatique américain, soumis à de très lourdes pressions professionnelles et affectives, décide de changer radicalement le cours de sa vie. Dans ce même hôtel, Audrey, une jeune femme de chambre qui vit dans un entre-deux provisoire, voit son existence basculer.
Après Claire Simon et son discutable Gare du Nord, Pascale Ferran s’intéresse à un autre grand hub de transport parisien, l’aéroport Charles de Gaulle, observant son paysage, son microcosme et les personnages qui le traversent ou qui le hantent. Le film donne un éclairage et un écho particulier aux récentes grèves des femmes de chambres qui dénonçaient leurs conditions de travail. Sans s’appesantir sur une critique socio-économique, en s’intéressant au verso de ces établissements, elle nous fait découvrir la précarité la plus absolue du statut et de la vie de ces employés de grands groupes avec les personnages solidement portés par Anaïs Demoustier, Roschdy Zem et Camelia Jordana. Le personnage interprété par Josh Charles, brinquebalé entre sa maison et ses voyages d’affaires, son travail et sa famille, voit sa vie lui échapper et décide de tout abandonner avant de totalement se perdre. Pour suivre ces personnages perdus dans leur vie, dans une zone de passage, la réalisatrice choisit le fantastique, permettant au spectateur d’accomplir le rêve d’omniscience (« que j’aimerais être une petite souris pour savoir ce qui se passe », « que j’aimerais être un oiseau pour partir au loin »).
Certes il faut accepter ce twist scénaristique et cette rupture avec la réalité, mais le résultat est superbe, esthétiquement, poétiquement voire intimement. Après que les protagonistes eurent rêvé de liberté dans un univers gris et sous une lumière blafarde, le film respire, le cadre s’ouvre et est envahi de lumière, faisant apparaître le monde tel qu’il est : triste certes, mais ouvert sur une multitude de possibilités et de destins qu’il faut arriver à avoir le courage de saisir, comme Gary et Audrey.