France, Canada, 2024
★★★1/2
Qui n’a pas déjà eu le désir pressant de tout laisser derrière et de partir à l’aventure dans un pays étranger? C’est ce qu’a fait Mathyas Lefebure en quittant ses fonctions de cadre publicitaire à Montréal pour devenir berger en Provence. Cette aventure lui inspirera l’écriture du roman D’où viens-tu, berger?, qui donnera ensuite l’idée à Sophie Deraspe de le transposer librement en images. Certains auront assisté à la projection organisée à l’occasion du festival Cinémania 2024, mais pour les autres, vous pourrez voir Félix-Antoine Duval incarner Mathyas et Solène Rigot jouer Élise dans Bergers au cinéma dès le 15 novembre.
Retour aux sources
Mathyas, interprété par un Félix-Antoine doux et rêveur, ressent une pulsion poétique de liberté. En frappant la trentaine, une réalisation le tourmente : il doit absolument être berger dans le Sud de la France. Son intérêt porté au pastoralisme (l’élevage de moutons) se manifeste comme un désir d’émancipation au système socio-économique qui l’étouffe. À première vue, l’idée semble saugrenue : troquer sa routine douillette et privilégiée pour faire du travail manuel exténuant et maigrement rémunéré?
Étonnamment, ce phénomène de « retour aux sources » semble très commun dans le stade actuel du capitalisme tardif ou late stage capitalism. Le personnage de Mathyas exprime le but de sa démarche, soit de retourner à la nature, travailler de ses mains et mettre sur papier son expérience. Essentiellement, il souhaite reprendre le contrôle de sa vie en devenant berger, à la place d’être mouton. Évidemment, en cherchant cette idylle montagneuse, loin des gratte-ciels en béton, l’homme vagabond verra plus d’une embuche obstruer son chemin…
De l’idéalisation à la réalité
Le film de Deraspe tout comme l’autofiction de Lefebure ne cherchent pas qu’à mettre en valeur le concept idéalisé du berger et son troupeau, loin de là. On accède au côté sombre du métier, à la dureté du labeur et à la violence qui se cache entre les murs des enclos des bêtes et de leurs maîtres. Mathyas descend bien vite de ses grands chevaux à la mesure où il comprend que le pastoralisme est plus beau sur papier qu’en réalité. D’une part, il s’épreigne des savoirs et de la sagesse de ses mentors tandis que d’une autre, il absorbe l’amertume et la solitude de ces humains usés par l’ouvrage.
Une balade contemplative et existentielle
Bergers est un pelerinage contemplatif, magnifique même dans ses moments de « laideurs ». Avec une direction photo impeccable, le spectateur est amené à contempler la beauté de la nature du sud de la France, tout comme à réfléchir au sens de la vie. En plus de couvrir une relation amoureuse grandissante entre Élise, une jeune française, et Mathyas, on explore des enjeux écologiques, politiques et sociaux en lien avec le métier de berger qui porte son lot de problématiques modernes.
À travers la notion de la transhumance, soit le mouvement du troupeau qui se déplace comme un courant d’eau, vous serez bercés dans par le voyage que propose Bergers. Le regarder sur grand écran est fortement recommandé, pour transcender le simple visionnement et vivre à même ses paysages grandioses.
***
Durée : 1h53
Crédit photos : Maison 4:3