3 Histoires d’Indiens

Robert Morin nous provoque et nous fait réfléchir avec une nouvelle oeuvre sensible et humaine. ♥♥♥1/2

Dans l’univers de Robert Morin, la caméra est une arme : arme de combat, arme de survivance, elle fait office de témoin de la complexité d’une parcelle d’univers en construction. Dans ce fragment de vie indéfini, Robert Morin l’utilise comme si sa vie en dépendait. Dans 3 Histoires d’Indiens, il la place au centre du cadre, au cœur de l’oeuvre (j’en ai besoin, comme il disait en entrevue avec nous). Omniprésente, elle bouscule et interpelle autant le spectateur qu’elle le dérange et le provoque. Elle est l’arme vitale du cinéaste depuis plus de 30 ans;

La notion de survivance est en effet plus que jamais présente dans son dernier film et sa caméra en témoigne comme celle du récit. Survivance d’un peuple, d’une culture, d’un art… Mais là où la survivance était davantage physique dans Les 4 Soldats, elle est beaucoup plus métaphysique dans le cas de 3 histoires d’Indiens. La guerre et la rébellion sont intérieures, suggérées, mais les conséquences n’en sont pas moins viscérales.

3indiennes

Le film suit la structure logique d’un film choral en tout point et raconte l’histoire parallèle de Trois Indiens : une jeune femme et ses deux comparses qui vouent un culte à Kateri Tekakwitha, un jeune homme fana de technologie et un autre amoureux de musique classique. On suivra parallèlement ces histoires qui ont toutes un propos limpide et une démarche unique.

D’entrée de jeu, comme nous en avons l’habitude dans le cinéma de Robert Morin, les frontières entre la réalité et la fiction sont habilement brouillées. La caméra d’Éric nous projette dans le récit, nous en extirpe, nous confronte et nous interpelle continuellement. Celle de Morin nous émeut, nous provoque et nous fait réfléchir. Les caméras intras et extras diégétiques se lancent la balle dans un mélange de légèreté et de profondeur alors que Morin se fait un point d’honneur à nous présenter des gens passionnés, originaux, à mille lieues des idées reçues qui sont trop souvent véhiculées sur les communautés autochtones.

 Shane

Les jeunes gens sont effectivement splendides. Le personnage d’Éric est particulièrement mémorable : affiché d’une bonhomie et d’une joie de vive contagieuse dès les premiers instants du film, il est impossible de ne pas succomber instantanément à son charme. Ses compagnons de jeu sont tout autant dédiés à la vision du cinéaste. Tous réussissent à nous émouvoir chacun à leur façon, particulièrement lors des climax qui caractérisent leurs histoires respectives.

Avec les processus de distanciation qui lui sont légions, Morin arrive à nous faire réfléchir sur notre propre perception des Amérindiens, de leur rapport à la communauté, à la nature, autant de questionnements qui se transposeront sur le spectateur au fur et à mesure du déroulement du film. Alors qu’Idle no More a indifféré une bonne partie de la population et que les Amérindiens préfèrent maintenant le dépanneur du coin à la chasse ancestrale comme s’en désole Éric, Robert Morin réussi avec une sensibilité remarquable à nous montrer que par-delà là misère, l’espoir subsiste encore.

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