Emmanuel Mouret change de ton, de style, mais garde sa capacité d’être un chroniqueur des rapports amoureux hors-pair qui sait parfaitement tirer le meilleur de ses comédiens. ♥ ♥ ♥ ♥
Aurore, pianiste virtuose, effondre sur scène la journée de la mort de son père. Dans les mois qui suivent, elle délaisse complètement le piano. S’isolant dans la maison familiale sur le bord de l’eau. Elle rencontre Jean, un installateur de système d’alarme fiancé à Dolorès une vendeuse dans une boutique de linge. Aurore et Jean tombe amoureux, Dolorès tente de les séparés.
On a connu Emmanuel Mouret, plus léger, sur le ton de la comédie de mœurs, on l’a souvent comparé à Woody Allen, à Éric Rohmer, à Marivaux. Outre ces influences qui sont très perceptibles dans ces œuvres précédentes, Mouret a développé en une demi-douzaine de films une signature particulière au rythme et au rapport à la temporalité relativement unique. C’est un filmeur qui aime filmer ces acteurs, L’Art d’Aimer était une lettre d’amour envers une pléiade d’acteur français, il crée des situations qui mythologisent ses acteurs, comme le démontre les scènes entre Frédérique Bel et François Cluzet qui sont les plus belles scènes que ces deux acteurs ont eu carrière. Pour cela, Mouret est proche de certain réalisateur américain, Clarence Brown, George Cukor, Douglas Sirk, des réalisateurs qui ont su trouver chez les acteurs l’essence que leur persona filmique. Pour faire simple, Mouret réussit, comme ces maîtres américains, à donner du charisme à un acteur qui de prime abord n’en aurait pas particulière beaucoup, une Frédérique Biel justement qui chez Mouret transperce l’écran à qui a du mal à bien paraître chez les autres réalisateurs.
Pour son nouveau film, Mouret délaisse son attachement à ses influences européennes (Rohmer, Marivaux), pour aller puiser encore d’avantage chez les maitres du mélodrame américain (Brown, Sirk). De la comédie de mœurs, il crée une atmosphère de suspense amoureux, d’amants interdits et de femme trompée au désir vengeur. Mouret, malgré quelques difficultés avec ce changement de registre, réussit son pari. Il garde cette capacité à tirer le maximum de ses comédiens, Joeystar, version cinéma, n’a jamais si bien parut à l’écran qu’ici et Jasime Trince, vu chez Bonello et Moretti, s’avère la grande réussite du film. S’il continue sur cette voie, c’est l’héritage de Woody Allen qui sera le plus perceptible à long terme, comme le réalisateur new yorkais Mouret a passent avec un certain brio de comédie et mélodrame, plaçant les rapports amoureux au centre de son cinéma et donnant à ces acteurs leurs plus beaux rôles. Les Diane Keaton, les Diane West et les Mia Farrow n’ont rarement été aussi bien filmé que par Allen, aucun autre réalisateur n’a réussi à capter le coté sublime de leur jeu, tout comme Mouret à trouver avec Biel et Ledoyen des personnalités qui transcende sa vision de l’art cinématographique.
C’est au niveau de la forme que la sauce se gâche un peu, Mouret opère une série de «flashback», qui à la fois n’apporte rien au récit, mais nuise à une linéarité narrative. Nous n’avons pas nécessairement besoin de savoir en début de film que la maison du bord de mer sera vendu, ni voir qu’un jeune compositeur qui pond une œuvre spécifiquement pour Aurore tentera de l’embrasser, nous pourrions tout simplement le découvrir au fur et à mesure que les évènements se produisent. Les allés et vus dans le temps ne créent ici qu’une distraction inutile contrairement à ceux que Mouret avait opéré dans ses films précédents : ceux d’ Un baiser s’il vous plait, par exemple, avaient contribué au charme du film, ils ajoutaient à la confusion des sentiments du personnage principale qui se faisait refuser un baiser.