Présenté pour la première fois au Canada dans le cadre du Festival des films Cinémania, le cinéaste français Bruno Dumont (Camille Claudel 1915, La vie de Jésus) fait un pas courageux avec un film d’époque absurde et amusant qui peut être exaspérant par moment à cause de sa forme surréelle, parfois même mystique. ♥♥♥♥
Ma Loute, huitième long métrage du réalisateur qui était en compétition officielle à Cannes, assume son absurdité toquée du début à la fin. Et nous ne posons pas de questions lorsque Machin (Didier Després), un énorme inspecteur de police, s’envole comme un ballon de cirque sans aucune raison. Mais l’excentricité du film semble arrivée de façon aléatoire, ce qui peut frustrer autant qu’il peut amuser (ou non) son public.
En terrain connu dans la région de Calais dans le nord de la France, Dumont expose un conflit entre deux classes sociales totalement confuses face à l’autre comme si deux cultures distinctes se rencontrent pour la première fois. Sur une colline, à proximité d’une maison en béton « au style égyptien », une famille bourgeoise regarde avec fascination les gens pauvres et sales comme des animaux dans un zoo.
André Van Peteghem (Fabrice Luchini), un bouffon riche qui a la posture de Quasimodo, commente de manière condescendante le travail honnête des gens qui ne sont « pas comme eux ». Sa femme Isabelle (Valeria Bruni Tedeschi) est légèrement plus discrète que lui, mais elle est aussi déconnectée de la réalité que son idiot de mari.
En vacances pour l’été, un mystère se déroule sur les marais. Les visiteurs disparaissent coup sur coup. Nous apprenons rapidement que les membres d’une famille de pêcheurs assomment les touristes sur la tête et les mangent tout cru (apparemment, les jeunes goûtent mieux). Et il semble peu probable que Machin, si gros qu’il doit s’étendre de tout son long pour examiner des indices au niveau du sol, fera des arrestations de sitôt.
Ma Loute : « We know what to do but we do not do »
Sous une forme burlesque, à la manière de Jacques Tati, les interprètes sont des parodies inoubliables en particulier l’inspecteur Machin qui s’apparente au commandant loufoque Van der Weyden dans P’tit Quinquin. Luchini et Tedeschi forment un couple horriblement magnifique. Par contre, l’arrivée de Juliette Binoche en tant que la sœur d’André est plus douteuse, mais elle se jette avec abandon devant la caméra de façon admirable.
Dans un village qui aurait pu être esquissé par Charles Dickens et le caricaturiste George Cruikshank, Brandon Lavieville joue Ma Loute, un jeune homme qui porte les bourgeois dans ses bras à travers les marécages pour une pognée de centimes. Ce dernier ressemble à un arbre à peine animé. Il tombe amoureux de Billie (Raph), l’enfant chéri du personnage de Juliette Binoche qui créera l’hystérie au sein de la famille bourgeoise.
Situé au début du siècle dernier en 1910 plus précisément, Ma Loute s’en prend à la nature colonisatrice de la France et de son ignorance. Cependant, il est inutile de chercher un sens politique ou social à un projet aussi dérangé que celui-ci. Ce n’était sûrement pas le but non plus, mais pour cet auteur controversé, qui peut être comparé au Robert Morin français, il s’agit sans contredit d’un doigt d’honneur à la société française et toute son histoire qui a été déconstruit en tant que farce grotesque et noire, mettant en scène des clowns, parfaits spécimens d’une humanité dont ils reflètent la violence primitive et la comédie sociale.
*Ma Loute sera présenté le 12 novembre à 18h00 au cinéma impérial.
Auteur: Justin Charbonneau
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