Winter sleep [Sommeil d’hiver]

Winter sleep: tapis de neige et coeurs acérés – ♥♥♥♥ ½

Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

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Dans le cadre de la sublime Cappadoce, les derniers jours de l’automne s’égrènent au fil des départs des touristes, bercés par un rythme lent et nostalgique. La beauté bucolique des paysages et de ces falaises troglodytes accompagnent la découverte des divers personnages : un gérant d’hôtel ancien acteur, sa jeune et superbe femme dédiée à aider les écoles du secteur, sa soeur peu loquace et férue de lecture, son homme à tout faire acceptant tout sans rechigner et un de ses locataires mauvais payeur, l’imam. Tout semble se dérouler selon un rythme réglé comme du papier à musique. Mais les premières neiges arrivent, le froid s’insinue dans les maisons et dans les coeurs, les langues se délient et les passions se dévoilent.

Nuri Bilge Ceylan cumule encore une fois les casquettes de réalisateur, scénariste, coproducteur et monteur, confiant à Gökhan Tiryaki le poste de directeur de la photographie. Même si cette oeuvre est la première aussi longue (Il était une fois en Anatolie ne durait « que » 2h30), avec près de 3h16, aucun temps mort, aucune longueur ni aucune scène superflue ne viennent troubler ou parasiter le déroulement du récit, captivant et enivrant par sa beauté, son réalisme et son honnêteté. Aucune scène « d’action » à proprement parler, mais des scènes fortes avec beaucoup d’échanges dialogués, d’émotion et de cruauté. Le coeur humain est véritablement mis à nu dans le film, on le voit saigner et se vider et les êtres se dissoudre. Tous les travers de l’âme humaine sont étalées de manière véritablement magistrale. Du notable affable mais égoïste et pétri de suffisance, de la femme prise au piège de sa naïveté à celle trompant son ennui dans les portraits trempés dans l’acide qu’elle peint de chacun jusqu’au religieux risquant la vie d’un enfant pour sauver l’honneur de sa famille. Nuri Bilge Ceylan n’épargne personne et tous ces portraits d’êtres humains aussi beaux que détestables forment une chronique splendide et glaçante. C’est toute la société turque que dévoile le réalisateur, dans sa complexité et dans ses contrastes religieux, sociaux, culturels, géographiques. De cette saison calme et propice à l’introspection, il en fait le révélateur des sentiments de chacun, mais sans pessimisme. Réaliste, utopique et à portée universelle, ce grand film vous donnera à réfléchir, longtemps après l’avoir vu.

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