Sélectionné pour ouvrir la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, le cinéaste français Philippe Garrel fait hommage aux films de la Nouvelle Vague française dans son nouveau long métrage, L’ombre des femmes. ♥♥♥♥
Pierre (Stanislas Merhar), documentariste parisien, vit chichement dans un appartement sous les combles avec son épouse Manon (Clotilde Courau). Scripte et monteuse sur ses films, celle-ci a également un petit emploi de surveillante de cantine dans une école, qui permet au couple de joindre les deux bouts. Au cours de la préparation d’un documentaire sur Henri (Jean Pommier), un ancien de la Résistance, Pierre rencontre par hasard Élisabeth (Lena Paugam), stagiaire et étudiante au doctorat en histoire. Rapidement, ils deviennent amants. Mais en comprenant que Pierre ne quittera pas Manon, Élisabeth lui annonce avoir aperçu cette dernière par deux fois en compagnie d’un autre homme. En rentrant, le cinéaste confronte sa femme, qui promet de quitter son amant sur-le-champ. Mais entre eux, la blessure est trop à vif, surtout lorsque Manon comprend que Pierre aussi l’a trompée. Ils ne se reverront qu’un an plus tard, à l’enterrement d’Henri.
Tourné entièrement en noir et blanc, ce long métrage d’une courte durée de 1 h 13 revendique pleinement l’héritage de la Nouvelle Vague française, tout en étant entièrement contemporain. Dans le même style que La jalousie (2013), Philippe Garrel poursuit son exploration des complexités du sentiment amoureux dans l’ombre des femmes, un film définit par sa simplicité qui rappelle sans contredit la beauté des œuvres du réalisateur français Robert Bresson. Appuyé par la voix-off habile et raffinée de Louis Garrel, fils du réalisateur, le récit préserve son élasticité narrative tout au long du film malgré une légère rupture dans le dernier tiers. Composé à partir d’improvisations, les trois protagonistes déploient une sensibilité à fleur de peau formidablement touchante, en particulier la performance de Clotilde Coureau qui est juste et émouvante. Une œuvre dense et épurée qui procure l’essentiel de sa vision autour d’une table de cuisine ou d’un lit – ce radeau, scène de prédilection de l’artisan, où tout se joue, l’étreinte et la solitude, la joie et la tristesse, le désir et le désamour. Philippe Garrel réussit à créer un film féministe qui récompensera son spectateur par une fin qui va droit dans la chair des sentiments.
Auteur: Justin Charbonneau