Tour d’horizon du 39ème Festival de Vues d’Afrique

Dimanche dernier s’est clôturée la 39ème édition du Festival Vues d’Afrique à la Cinémathèque québécoise, en présence de nombreux invités qui ont pu assister au dévoilement du palmarès avec la marraine Halimatou Gadji et le parrain Stanley Février.

Cette année, pas moins de 109 films issus de 39 pays différents on été programmés dont 38 dans la section fiction et 25 dans celle du documentaire. La compétition proposait 26 courts et moyens métrages, 9 épisodes de séries TV, 14 films d’animation ainsi que 12 longs métrages de fiction. Nous en avons vu 4.

Ce qui frappe avant tout, c’est la force d’un cinéma qui n’a pas fini de raconter la multiplicité de ses origines. Un cinéma riche de cultures qui évoque autant la beauté de ses traditions ancestrales que leur fragilité à perdurer dans un contexte politique et social, souvent complexe, où l’instrumentalisation du corps de la femme est toujours autant banal. Notons que leurs voix dans le cinéma africain se font de plus en plus entendre, à l’image de cette édition qui rassemblait 42% de leurs œuvres.

Xalé de Moussa Sene Absa s’attache à mettre de l’avant l’emprise du patriarcat au Sénégal en utilisant une fantasmagorie visuelle gorgée de croyance qui agit à titre de conscience et condamne les pêchés des hommes (mariages forcés, viols…). Par ailleurs, le réalisateur n’a pas eu peur de se confronter au sort des migrants en rappelant la réalité de ces bateaux de fortune (défécation, vomi) qui embarquent avec eux des hommes et des femmes n’ayant pour seule richesse que l’espoir d’un avenir meilleur, moteur nécessaire pour leur faire affronter leurs peurs. Il questionne habilement le jugement des familles amené à changer en fonction de la réussite ou non de la traversée, matérialisée par la capacité à pouvoir aller boire un café sur les Champs-Élysées. On déshonore les siens si l’on pense simplement à les quitter, mais on fait leur fierté si l’on est capable de leur envoyer de l’argent une fois arrivé. Un film inégal mais inspirant.

Regarder les étoiles de David Constantin est une plongée dans les eaux troubles du monde des travailleurs immigrés de l’île Maurice. On y suit les tribulations d’un jeune homme empoté et malheureux en amour qui vivote d’arnaques en arnaques pour tenter d’émigrer au Canada. Sur son chemin, il fera la rencontre d’une jeune femme bangladaise qui, tout comme lui, essaye d’échapper à sa condition. Lorsque sa vie fantasmée d’homme d’affaires accompli vient se confronter à la dure réalité du quotidien de cette couturière aguerrie, dont l’avenir est pris en otage par le gérant de l’usine qui l’exploite elle et ses consœurs, tous les expédients sont bons pour tenter de s’en sortir à la recherche d’une liberté salutaire. Entre brûlot social et voyage initiatique, ce deuxième film confronte deux mondes opposés qui cohabitent pourtant dans le même quartier et partage souvent le même point de vue.

Ashkal de Youssef Chebbi est une intrigante proposition dont la cinématographie, sombre et méticuleuse, retranscrit plutôt bien la teneur de la révolution tunisienne de 2010. Dans ce drame policier bien mené, on suit un flic accompagné de sa nièce (misogynie enracinée au commissariat), tous deux enquêteurs sur l’immolation successive d’individus qui n’ont, de prime abord, rien en commun. Avec un soin tout particulier, le réalisateur appose sur ses images un son travaillé et modelé, amalgamant des chants d’oiseaux et des bruissements de feuilles. Puis, dans un contraste saisissant, des bruits mécaniques – presque industriels- se font entendre et se marient parfaitement à l’atmosphère des Jardins de Carthage, un quartier de luxe laissé à l’abandon au moment de la crise offrant un univers riche en interprétations. Malgré un final décevant, saluons la maîtrise du cinéaste à orchestrer le suspens de son film en usant de codes propres au polar, comme au fantastique, dans un dédale de situations plus apeurantes les unes que les autres.

Houria de Mounia Meddour est la petite sœur de Papicha (relisez notre critique ici), premier long métrage réussi de la réalisatrice à qui l’on pardonnait certains tics de langage cinématographique procurant à l’œuvre un certain charme. Ici les métaphores visuelles, au demeurant très belles,  appuient avec insistance un discours déjà marqué qui s’enlise dans les bons sentiments à mesure que le film avance. À outrance, l’esthétique vient marteler un message certes nécessaire, et qui plus est sincère, mais d’une façon si conventionnelle et attendue qu’elle désolidarise le spectateur du propos défendu par le film. Reste que la cinéaste sait toujours bien filmer les femmes et défendre cette sororité à travers un portrait touchant, miroir du temps qui passe et d’une culture qui laisse sa trace (les magnifiques Nadia Kaci, Rachida Brakni et Lyna Khoudri).

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Crédit photos : Festival des vues d’Afrique

 Bon cinéma! 

Relisez notre avis sur la 36ème édition du Festival Vues d’Afrique ici

 

 

 

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