John Water dans les années 80, Greg Araki dans les 90, Larry Clark dans les années 2000… Trois réalisateurs obsédés par la jeunesse américaine, trois réalisateurs que j’admire. Je suis toujours passionnément leurs filmo, malgré des films inégaux, malgré des compromis dans leurs choix esthétiques et moraux, malgré des hauts et des bas scénaristiques.
(Oui, je l’avoue, je me suis endormi devant Marfa Girl de Clarke, j’ai bâillé devant Kaboum du sieur Araki et j’ai pleuré de lassitude devant le remake d’Hairspray de mister Water…) ♥
Mais j’aime le cinéma indépendant américain. Alors oui, je l’avoue,
j’attendais la relève, le troublion des années 2010, l’électron libre du cinéma indépendant américain à la sauce MTV. Aussi, c’est avec une excitation fébrile que j’attendais Spring Breakers de Harmony Korine…
Quatre filles désespèrent de ne pas avoir réussi, malgré leurs efforts, à mettre conjointement plus de 350$ de côté pour le Spring Break de mars, la
semaine de vacances en milieu de session universitaire. Immédiatement, le film m’agace… Quatre filles issue de la petite bourgeoisie américaine
incapables de mettre ensemble plus de 350$ (soit à peine 80$ chacune…) depuis le début de l’année, année scolaire qui a débuté 7 mois plus tôt…
Faudra repasser pour me le faire avaler… Mais bon, soit… Elles décident donc de braquer un resto. Logique, quoi… Ce sont des étudiantes universitaires à l’avenir promis, mais pourquoi pas commettre un crime
pour avoir une semaine de vacances… Reste que ce sont LES vacances obligées pour tout Américain 2.0 qui se respecte… Alors soit, qu’elles se
transforment en gangsters… Why not, au point où on en est…
C’est donc parti pour le fameux spring break!!! Plage, alcool, sexe, débauche… Votre serviteur n’étant pas le dernier pour faire la fête et ayant passé son mois d’octobre sur les plages arrosées de Thailande peut vous confirmer que ce genre d’ambiance existe… Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil… N’importe quelle recherche YouTube taggué spring break nous assurent de la véracité de cette débauche printanière. Et puis effectivement, un film sur ce phénomène somme toute récent serait fort bienvenu pour tenter de faire comprendre aux générations plus âgés l’utilité d’une telle frénésie d’excès et de luxure. Harmony Korine fait partie de cette génération, il est un porte-parole parfait de ce tsunami d’irresponabilité assumée par une
horde de futurs « sérieux et rangés diplômés américains ».
Alors oui, il pourrait nous expliquer. Mais non, malheureusement, il préfère utiliser ce phénomène comme prétexte (auquel pourtant il donne le titre à son film) et faire glisser son propos vers une ridicule confrontation de dealers. Les 2 interminables minutes de champs et contre-champs sur les regards « chargés de haine » du dealer blanc et du dealer noir m’ont fait penser à la géniale websérie Bref… « Je le regarde, il me regarde, je fronce les sourcils, il fait la grimace… ». Pathétique…
Harmony Korine a grandi à l’école de Larry Clark, mais veut ici faire du Spike Lee… Le résultat est désolant et pitoyable… Jamais on ne croit à cette guerre des gangs, encore moins à ces blondasses décérébrées qui vont à l’université, mais qui sont aussi naïves que des plantes en pot et qui finissent par se la jouer Kill Bill… Oui, James Franco est méconnaissable avec ses dents en or, sa coupe de cheveux et ses tatouages, mais tant mieux pour lui! Il pourra nier que c’était lui qui jouait dans ce navet..
Il reste toutefois (si, si… ) quelques notes positives. Le passage le plus réussi du film est sans conteste l’anticipation de la scène de carnage
final sur fond de ballade murmurée par Britney Spears, qui chante son envie de suicide… Ce moment seul, isolé du reste, mériterait un buzz sur la
toile tant il est impeccable. Les intermèdes contemplatifs aussi, entre deux scènes de violence ou de sexe, sont d’une rayonnante pureté. Les silences
et les plans cadrés grand angle étant enfin libérés d’une dévorante envie du réalisateur de nous « faire comprendre. »
Car Harmony Korine sait filmer. Par moments, c’est évident, il sait cadrer, sait tourner, sait capter des regards, des lumières, des sens cachés
derrières de simples gestes. Mais à vouloir trop sacrifier à l’haletante nervosité des cadrages modernes, à jouer l’ultra esthétisante surexposition des
plans de clips musicaux (alors que la bande son est pourrie à l’os…), le voilà bien esseulé au bout du compte pour pouvoir faire tenir debout un
édifice bancal…
Alors voilà, une pomme comme note, car je n’ose la couper en deux… J’essaye toujours de voir le meilleur dans tous les films que je regarde, mais
là… Je vais aller revoir KenPark et Nowhere pour me rapeler ce que les Amérloques indé font de mieux…
PS: J’avais adoré Gummo