Malgré deux longs métrages de fiction marquants (Capote et Moneyball) et un documentaire acclamé (The Cruise) qui lui ont permis d’obtenir une première nomination à l’oscar du Meilleur réalisateur et deux présences au festival de Berlin, le nom de Bennett Miller reste encore aujourd’hui, à l’aube de première présence en sélection au festival de Cannes, inconnu de plusieurs cinéphiles.
Cela s’explique en partie. Du moins pour ses deux fictions où sa réalisation, toujours sobre et maitrisé, passe un peu inaperçu face à certaines autres facettes des œuvres en question. Dans Capote, sorti en 2005, c’est le charisme de Philip Seymour Hoffman, sublime dans le rôle-titre qui lui permit de remporter l’oscar du Meilleur Acteur, qui capte l’attention de tout le monde. Dans le cas de Moneyball, sorti en 2011, c’est un peu la même chose qui se produit, c’est l’un des génies actuels du scénario, Aaron Sorkin, tout juste sorti de l’aventure de The Social Network, qui fait équipe Miller, aussi efficace soit-elle, la réalisation de Miller passe une peu dans le beurre pour bien des gens, le preuve est que le film récolte 6 nominations aux Oscars : Meilleur Film, Meilleur Acteur, Meilleur dans un rôle de Soutien, Meilleur Montage, Meilleur Son et bien évidement Meilleur Scénario, mais aucune nomination cette fois-ci pour Mr. Miller.
Pourtant Miller un véritable auteur, créant un univers qui lui est propre, avec des thématiques récurrente. La solitude au centre de son œuvre naissante. Dans The Cruise, la guide qui fait visiter New York au touriste raconte que Greta Garbo avait choisi New York pour y finir ces jours puisse que c’est à New York que l’on est le plus seul au monde… C’est comme si cette parole tirée de son premier film préméditait déjà le caractère de ces futurs personnages.
Truman Capote, selon la vision qu’en a Miller, est un être solitaire qui se cache dernière une personnalité exubérante lorsqu’il est en publique. Il faut voir comme sa caméra réussi à mettre ça en scène. Dans la première scène où l’on voit Truman, c’est dans une soirée mondaine, celui-ci parle beaucoup, il est le centre d’attraction et la caméra est furtive, branlante, comme si l’image nous reflétait son malaise en publique. Alors que dans les plans où Truman est seul ou seul avec Harper Lee, la caméra est stable, voir statique, baigné dans une lumière apaisante qui n’est pas là dans les scènes de groupe…. Un peu la même chose se produit vers la fin, quand Capote rencontre seul Perry Smith la caméra est stable, le cadre ne bouge pas, Capote seul ou en couple est à son aise, mais le malaise vient au moment où Capote rencontre les deux prisonniers en même temps. À ce moment, il y a dans la pièce Capote, les deux prisonniers ainsi que deux gardes, à ce moment, le cadre est moins stable, on vient nous remontrer que Capote n’est pas à l’aise en groupe.
Moneyball raconte aussi l’histoire de gens qui s’isole. En créant son nouveau concept de recrutement, Billy Beane et son assistant Peter Brand s’isolent complète de reste de l’équipe des recruteurs. Aucune conciliation n’est fait pour permettre au groupe de se reforme, Beane mets sa propre carrière en jeu plutôt que de retourner à l’esprit du groupe.
Par la nature même des métiers de ces protagonistes, Miller s’intéresse à ceux qui doivent s’isoler pour créant ou travailler, dès son premier film, il dresse le portrait d’une guide touriste, une femme qui travaille seul, c’est évidant qu’elle a besoin des autres, dans ce cas précis, les touristes, pour exercer sa profession, mais elle n’a pas de collègue direct avec qui elle peut ou doit créer des liens. Idem pour Truman Capote qui écrit seul, à un certain moment, il délaisse même son sujet et son amie, pour s’isoler complètement. Si la plupart des films de sport porte sur les biens-faits de l’esprit d’équipe, Miller prend pour centre non par une équipe, mais plutôt le directeur générale de cette équipe, dans les faits, il y a peu de scène de jeu, il concentre son film sur le travail de bureau et de recrutement, sur les moments où il est seul ou seul avec son assistant-comptable.
L’autre thématique primordiale dans l’œuvre de Bennett Miller est le point tournant, le point de rupture. Dans une scène de Capote, l’éditeur de l’écrivain lui dit qu’il va révolutionner la façon même d’écrire, créant un avant et après In Cold Blood. C’est un peu la même qui se passe dans Moneyball, la saison 2002 des Athletics d’Oakland changera la façon de construire une équipe gagnante au Baseball professionnel. Les deux films se consacre entière au moment même du changement, quelque flashback dans Moneyball qui nous montre le passé de joueur du personnage principale et dans Capote, le temps d’une anecdote au cours d’un souper qui nous raconte un moment précédemment arrivé, sinon on nous apprend relativement peu de chose sur les vies antérieurs de ses personnages, tout comme on en apprend relativement peu de sur ce qui a suivi, seulement quelques ligne à l’écran précédant le générique final.
Reste à voir comme ces deux principales thématiques s’articuleront dans le prochain film de Mr. Miller. Par le résumé de Foxcatcher, on peu déjà y voir des continuités avec ces œuvres précédentes : toujours inspiré d’une histoire vraie, le réalisateur s’intéresse cette fois-ci à l’histoire d’un lutteur dont le frère fut assassiné par l’un des entraineurs de l’équipe nationale de lutte Olympique.