Corp(u)s en mutation
Se plonger dans l’œuvre de David Cronenberg, c’est découvrir une carrière si riche, si percutante, de laquelle émane liberté et audace. Filmographie en perpétuelle transformation, on peut découper plusieurs différentes périodes dans l’œuvre du célèbre réalisateur canadien.
Revoir Videodrome plus de 30 ans après sa sortie, c’est être terrifié. C’est de voir que Cronenberg avait cerné l’ère d’internet et ses déboires avant tout le monde. C’est de voir qu’il craignait déjà ces désirs d’excès, de sensations fortes insatiables. Ce besoin de ne faire qu’un avec la technologie, de voir la technologie et nos biens comme un prolongement de nous même. Max s’abandonne à Videodrome comme si, déjà à l’époque, il était trop tard.
Revoir The Fly, c’est être mystifié par un Jeff Goldblum en créature mi-homme, mi-bête. L’homme qui veut aller trop loin, qui dépasse ses limites trop rapidement, est brutalement ramené à la réalité chez Cronenberg ; atteint viscéralement, il n’est qu’un amas de chair et de boyaux.
Revoir ExiztenZ, c’est se plonger dans une dystopie exigeante, mais ô combien satisfaisante, qui joue dans les eaux futuristes et troubles de la Matrice. Après Videodrome, Cronenberg s’attaque aux jeu vidéos et critique leur recherche exacerbée de réalisme avec une acuité et une vision qui rend le film encore plus percutant aujourd’hui tant l’évolution continue d’aller dans le sens qu’il craignait. Les frontières se brouillent comme à l’habitude, les héros comme les spectateurs peinent à se retrouver dans un monde dont la transformation soudaine amène une perte de repères.

À travers toutes ces œuvres qui repoussent les limites, cette recherche intense de sensations psychologiques et sensorielles fortes, Cronenberg tirent les ficelles et est en contrôle. Ses héros sont à sa merci, et le spectateur se laisse rapidement aller, sûr d’être guidé par un véritable artiste au talent rare.
5 films incontournables :
Crash (1996)
Dead Ringers (1988)
Eastern Promises (2007)
ExistenZ (1999)
Videodrome (1983)
L’horreur intérieure : les films de David Cronenberg. Dossier réuni par Piers Handling et Pierre Véronneau. Collection 7e art. 1990. 258 pages.