Trepalium: Katia Raïs et Pierre Deladonchamps nous parlent de la série événement d’Arte

Trepalium : racine latine du mot « travail », qui désigne également un instrument de torture. Sinon, c’est aussi le titre de la prochaine série d’Arte, sa première sur le thème de l’anticipation, c’est-à-dire dont l’action se déroule dans un futur proche hypothétique. Ici, le postulat de départ est le suivant : 80% de la population est au chômage et vit dans ce que l’on appelle « la zone », un lieu où il ne fait pas bon vivre. Quant aux 20% qui travaillent, ils vivent dans « la ville », séparés et protégés des autres par un gigantesque mur. 

Dans cette société inégalitaire, on suivra plus particulièrement deux personnages. Deux destins qui n’auraient jamais dû se croiser. C’est ainsi que la famille de Ruben Garcia (Pierre Deladonchamps), un ingénieur en pleine ascension, est contrainte d’embaucher l’intrépide Izia (Léonie Simaga), une « zonarde », qui rêve d’offrir un nouvelle vie à son jeune fils Noah.

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Il faut revenir près de deux ans en arrière afin de comprendre comment s’est monté Trepalium, dont la diffusion aura lieu en début d’année prochaine sur Arte. A la base du projet : Sophie Hiet et Antares Bassis, les auteurs, qui ont trouvé en Katia Raïs, la productrice, la personne parfaite afin de développer une fiction autour du travail : « J’ai fait venir deux autres scénaristes, Sébastien Mounier et Thomas Cailley, après avoir eu l’accord d’Arte (1)». Le jeune réalisateur du succès surprise de 2014 (Les combattants) fut alors embauché à la lecture de son scénario puisque son long métrage n’était pas encore terminé : « L’avantage était qu’on avait la même vision du genre » dira Katia concernant la représentation du futur.

On se souvient qu’à notre rencontre l’an dernier, Thomas Cailley nous annonçait ne pas apprécier les représentations hi-tech du futur : « Il n’y a rien qui vieillit plus mal que la technologie » nous disait-il confirmant avec Trepalium une idée du futur plutôt en marge des idées habituelles.

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Une fois l’équipe de scénaristes sur le plancher, la productrice trouva en Vincent Lannoo (Au nom du fils), un réalisateur impliqué et fortement intéressé par le projet : « J’ai mis beaucoup de temps à trouver un réalisateur…j’ai épluché pas mal d’idées…Vincent a fait des choses très variées dont des films de genre et a l’habitude de travailler avec budgets serrés même si cela ne se voit pas à l’image.

En plus, il avait un parti pris très fort au niveau de la mise en scène un peu rétro-futuriste »

A partir de cette équipe de choc, ils ont pu travailler la thématique d’un monde non-identifié mais à des années lumières du Cinquième Élément de Luc Besson.

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« L’idée c’était de partir comme si cette ville avait stagné…que dans un pays, toute la recherche et le développement avait été arrêtée. Un monde qui n’aurait pas su évoluer : Cela apporte visuellement quelque-chose de fort »

Une fois l’univers créé, il fallait composer avec des budgets ultra-serrés (1 million par épisode au total) avec des tournages en Picardie et en Région parisienne : « Dans une caserne, on a fait ériger un mur, disons une base de mur et le reste est fait par les effets spéciaux »

La notion de mur tel qu’on le voit dans la bande annonce est parlante à bien des égards : Les Américains y voient la frontière mexicaine, les Allemands le mur de Berlin mais on peut aussi y voir le conflit en Israël : « Cela réveille l’imaginaire de chacun quand on leur évoque la série. (L’absence de travail et le clivage en caste) c’est une idée dans l’air du temps. On ne pouvait pas imaginer ce qui allait se passer cet été. On voulait que cela soit un miroir déformant de notre maintenant. »

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Niveau interprètes, la jeune équipe a fait appel à deux comédiens avec le vent en poupe : Ronit Elkabetz (GETT, le procès de Viviane Amsalem) et Pierre Deladonchamps (L’inconnu du lac).

« Ce qu’on souhaitait, c’était que cela ne soit pas des comédiens de télévision ou de série. On voulait proposer du nouveau, de l’inédit »

Pierre, qui avait rencontré Vincent Lannoo à Montréal dans le cadre du FNC il y a deux ans, a toutefois été contacté de manière classique par son agent qui lui a transmis le scénario : « Cela faisait longtemps que j’avais le désir de jouer dans une fiction d’anticipation ou de science-fiction. »

Si un gros travail a été effectué sur la post-production (pas loin d’une douzaine de graphistes sont crédités au générique), le jeune acteur avoue ne pas avoir ressenti les contraintes d’un tournage « futuriste » :

« Il n’y a pas eu tant de fonds verts que ça. Peut-être une ou deux fois. Mais il y a eu un énorme travail de post-production sur les décors existants et je ne m’attendais effectivement pas à un aussi beau résultat. J’ai été bluffé. »

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La direction artistique générale est renversante et il y a autant à savourer dans Trepalium qu’à réfléchir. Cette production, française, est toutefois plus mondiale qu’elle ne laisse le penser…Par son côté universelle mais également par sa distribution (Ronit est israélienne, Lubna Azabal est belge tout comme le réalisateur. «Nous n’avons pas pu faire de coproduction car Arte voulait que Trepalium soit en langue française mais il est certain qu’il va y avoir des ventes internationales »

Déjà, les créateurs planchent sur un Tome 2, une collection : « Ad Vitam sera de nouveau écrite par Thomas Cailley et Sébastien Mounier : On part d’un syndrome actuel, le vieillissement de la population…et l’on créé un monde où il est possible de rester jeune très longtemps. Disons qu’on a trouvé un système de régénérescence. Que va-t-on faire des vrais jeunes dans un monde où les vieux prennent de plus en plus de place ? »

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Lancé début 2016 sur Arte, la série sera entre-temps présentée à Los Angeles, Geneve, Bruxelles et Rome…de quoi en faire un phénomène mondial !

(1) ce que Katia Raïs ne dit pas en octobre dernier, c’est que les autres scénaristes furent appelés en “renfort” sur l’écriture car de multiples tensions existent lors du tournage entre le réalisateur (Vincent Lannoo) et les scénaristes initiaux [ref]

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