États-Unis, 2019
Note : ★★★
Le dernier opus de la série X-Men se conclue comme la première trilogie; avec Jean Grey devenant Dark Phoenix. Si ce film n’est pas parfait, il n’est pas le déchet que tous se plaisent à clamer. Cinématographiquement, le film de Simon Kinberg se tient. Narrativement, c’est selon vos goûts parce que pour certains il prend des libertés peu populaires.
Jean Grey (interprétée par Sophie Turner, Sansa Stark de Game of Thrones) progresse dans sa transformation de la douce Jean vers la force destructrice Phoenix à la suite d’une rencontre avec une entité inconnue lors d’une mission rescousse d’un équipage de la NASA. Situé au début des années 1990, Dark Phoenix se démarque de son prédécesseur de Marvel Captain Marvel et ne joue absolument pas la carte de la nostalgie ou encore des références à la culture pop. Le film tente d’être indépendant et de s’affranchir des autres opus et réussit sur certains points.
Le principal problème est au niveau du scénario qui semble avoir été retravaillé. Les dialogues tombent parfois à plat; blagues ratées et opportunistes (« les X-Men devraient s’appeler les X-Women comme ce sont toujours les femmes qui réussissent les missions ») et tout est clairement expliqué. Quelques symbolismes sont également clichés (voir le phénix à la fin, tout juste avant le générique). L’ADN du blockbuster est difficile à purger.
Les acteurs sont bons. Nicholas Hoult (Beast) est excellent. James McAvoy (Professor X) est efficace. Michael Fassbender (Magneto) pousse ses jeux faciaux comme jamais. Jessica Chastain (l’ennemie extraterrestre Vuk) a déjà été plus complexe, mais assure une bonne dose d’étrange nourrie par son apparence et costumes pâles. Tye Sheridan (Cyclops) transpire le désespoir malgré le fait que l’on ne peut voir ses yeux (il porte des lunettes spéciales en permanence). Sophie Turner est efficace, mais ne transcende pas. Seule Jennifer Lawrence semble sur le pilote automatique, nous poussant même à nous demander pourquoi elle est de cet ultime opus. Elle n’est pas convaincante (la ligne des X-Women sort de sa bouche). Il faut dire que l’opposition de Raven/Mystique envers Professor X sonne un peu faux et est traitée rapidement.
En fait, le premier tiers est ce qui est le plus problématique, tiers où Raven accapare l’histoire pour une raison qui sera révélée. Après cette première partie, la véritable histoire commence et le futile laisse place au sujet : les répercussions des gestes de Jean Grey. Parce que chacun des personnages a beaucoup en jeu. Même si le scénario est simple (une boucle narrative, quelques coins ronds, les extra-terrestres menés par Vuk ne sont abordés qu’à la surface, etc.) on arrive à la conclusion que le véritable sujet de Dark Phoenix n’est pas toute cette complexité narrative à la MCU (Marvel Cinematic Universe tel que Avengers: Endgame), mais bien la simplicité humaine des protagonistes. Dark Phoenix nous rappelle que l’existence même des X-Men est de nous confronter aux limites de notre propre différence, et ainsi de notre propre humanité. Simon Kinberg a priorisé cette ligne narrative en délaissant la prétention qui semble émaner de plus en plus de l’univers cinématographique de Marvel, surtout depuis les cinq dernières années.
Dark Phoenix n’est pas parfait, mais Kinberg réussit à ramener au centre de son film un cœur humain en mettant de l’avant les souffrances humaines de ses personnages. L’émotion est sa priorité et il la traque constamment avec sa caméra, même pendant les scènes d’action. Le réalisateur sait filmer (la scène du train est excellente), sans se perdre dans la frénésie des combats. Il ponctue ses séquences de gros plans qui nous rappellent l’enjeu et la source émotionnelle des gestes que chacun des personnages est en train de poser. Il se démarque des autres superproductions de superhéros, précisément parce qu’il ne se perd pas dans le spectacle et positionne constamment sa caméra pour trouver cette humanité qui habite ses personnages extraordinaires.
Kinberg a pris un pari humain, mais ce que le public semble lui dire c’est que le spectacle irréaliste des Avengers (voir la fin non crédible de Avengers: Infinity War dans un contexte de superproductions américaines), est ce que le public recherche. Le film n’est pas parfait, mais son réalisateur a compris son sujet et ne l’a pas bien enfoui dans le spectaculaire et la supposée complexité narrative. Et ses acteurs le lui rendent bien. Dark Phoenix est le dernier film de Marvel sans le contrôle extrême de l’équipe Disney. La suite reste à voir…
Durée : 1h53m
Pour lire d’autres critiques sur la saga, Cinémaniak en parle ici pour X-Men: First Class (2011), ici pour X–Men: Days of Future Past (2014), ici pour X–Men: Apocalypse (2016) et ici pour Deadpool (2016).