Avec cette production irrévérencieuse et parfois graphiquement osée, Deadpool retrace les origines d’un anti-héros sarcastique et lubrique. Les studios Marvel visent résolument un public plus adulte que celui auquel il s’adresse habituellement.♥♥♥½
Mal servi dans X-Men Origins: Wolverine (2009), Ryan Reynolds reprend de belle façon, avec une performance énergique et délicieusement insolente, son rôle de Wade Wilson, un mercenaire amoral qui, à la suite d’une expérience digne d’un film d’horreur, devient Deadpool, un mutant avec la faculté de se régénérer à la moindre blessure. Deadpool n’est pas un super-héros mais bien un psychopathe doté d’un humour noir et tordu qui se lance à la poursuite de Ajax (Ed Skrein), responsable de sa transformation, avec l’aide de Colossus (Stefan Kapičić) et Negasonic Teenage Warhead (Brianna Hildebrand), deux mutants membres de la confrérie des X-Men.
Deadpool: Briser le quatrième mur
Deadpool est un contre-modèle parodique qui s’assume totalement et qui s’inspire de Kick-Ass (2010) par son style ultra-violent. Briser le quatrième mur est la véritable force du film, surtout lorsque Deadpool raconte des farces autoréférentielles à la caméra. La technique est particulièrement efficace dans son contexte humoristique qui permet de signaler au public que tous sont dans le même bateau.
Les dirigeants de la production misent énormément sur les clins d’œil à la culture pop et aux gestes absurdes du personnage; ils vendent Deadpool si agressivement que vous pourriez vous demander si le studio a commencé à payer ses employés à la commission. L’argumentaire de vente commence avec le succulent générique d’ouverture qui se compose par l’annonce d’une série de clichés de genre — « Hot Chick », « British Villain » et « Comic Relief » — au lieu des têtes d’affiche de la distribution. C’est facilement l’une des meilleures séquences du film, en partie parce qu’elle est complexe, mais surtout hilarante. À ce stade précoce, le public peut prétendre (clin d’œil) qu’il ne sait pas si Deadpool va livrer sur chacun de ces clichés, passant de la « Hot Chick » (Morena Baccarin) au « British Villain »; deux ingrédients essentiels au film de super-héros. Mais quoi d’autre que ce mastodonte de divertissement pourrait livrer dans un film comme celui-ci ? Des surprises?
Le générique d’ouverture qui annonce tout
Le générique d’ouverture vaut la peine qu’on s’y attarde car c’est un moyen préventif original et intelligent. En annonçant immédiatement les clichés qui seront bientôt déployés dans le film même, les créateurs font d’une pierre deux coups en rassurant le public tout en abaissant leurs attentes dans ce qui suivra, c’est-à-dire se confiner aux conventions du film de super-héros. Vous pouvez presque entendre le studio chuchoter à l’oreille du spectateur: « Allez, nous savons tous que ce genre de film repose sur des stéréotypes stupides — cela fait partie du spectacle! » Et sérieusement qui n’aime pas le divertissement? Pourtant, de rire (comme moi) lors de ce générique d’autodérision est de céder à un plaisir quelque peu compromis parce que, entre autres, vous êtes également résolu à la volonté de visionner la même vieille recette qui suggère indirectement que la plaisanterie est sur vous. Et comme promis, les auteurs trottent sur les mêmes clichés habituels (la fille sensuelle, l’étranger trop méchant, etc.) ainsi que sur des enjeux dramatiques usuels (maladie, vengeance, etc.), même si elles se plient brièvement dans un mélodrame bien joué qui, pour quelques scènes, fait en sorte que Deadpool est véritablement plus ambitieux que la plupart des productions de ce genre.
Heureusement, ces parties poussent l’histoire de l’avant, en introduisant les bases de la fracture existentielle qui définit tous les super-héros, même pour un être aberrant, espiègle et putatif comme Deadpool. Même si ces scènes dramatiques peuvent être à l’occasion cyniques étant donné l’approche nihiliste du film, elles offrent tout de même une pause nécessaire au ridicule et à la violence gratuite. Elles démontrent également que Ryan Reynolds et le réalisateur Tim Miller sont capables de faire bien plus que de se taper les mêmes notes grandiloquentes à répétition. Les artisans du film ont su transposer une caricature comme Deadpool à l’écran tout en ajoutant quelque chose d’humain — un sentiment à la place d’une autre vulgaire plaisanterie — qui méritent amplement votre attention.