Canada, 2023
Note : ★★★ 1/2
À mi-chemin entre la romance de Twilight, l’univers de La Famille Addams, et le cynisme de The End of the F***ing World, le premier long métrage d’Ariane Louis-Seize est un coming-of-age attendrissant qui conjugue horreur et comédie.
Ce film, portant un très long titre révélateur de l’intrigue, met en scène Sasha (Sara Montpetit), une adolescente vampire. Guidée par une empathie atypique, elle refuse de mordre pour se nourrir, préférant se contenter des poches de sang fournies par ses parents, qui remplissent inlassablement le réfrigérateur. Une fois qu’elle atteint l’âge adulte, ses parents décident de lui couper les vivres pour l’inciter à assumer davantage de responsabilités. C’est ainsi qu’ils l’envoient chez sa cousine Denise (Noémie O’Farrell), une véritable croqueuse d’hommes, afin qu’elle apprenne les rudiments de la chasse. C’est là qu’elle fait la rencontre de Paul (Félix-Natoire Bénard), un adolescent aux prises avec un profond mal de vivre depuis la naissance, laissant entrevoir la possibilité que Sasha ait enfin trouvé son « suicidaire consentant ».
Candeur et meurtre
La proposition du film est indéniablement charmante. Les moments d’humour savamment dosés et les parallèles habilement tissés entre les problématiques humaines et les enjeux du monde fantastique confèrent au film une impétuosité captivante qui sort des sentiers battus. Cependant, il est difficile de ne pas ressentir une certaine frustration en envisageant le potentiel du scénario qui semble n’avoir été que partiellement exploité. Malgré une histoire solidement construite, l’audace de jouer davantage avec les conventions de l’absurde aurait pu être un atout supplémentaire pour le film.
Les dialogues, à la fois sincères et humoristiques, font échos aux longs-métrages de Stéphane Lafleur, qui a d’ailleurs réalisé le montage de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant. On y retrouve la formule du protagoniste attachant en quête de son identité au sein d’un univers aride et profondément nihiliste. Cependant, le style adopté semble ne pas être pleinement assumé, laissant transparaître quelques irrégularités dans la tonalité.
Il est toutefois rafraîchissant de voir des personnages féminins forts évoluer en tant que monstres plutôt qu’en tant que victimes passives. Vampire humaniste s’approprie avec brio les codes du thriller et du récit de passage à l’âge adulte pour apporter une touche innovatrice au genre de la comédie d’horreur. L’amour d’Ariane Louis-Seize pour le cinéma de genre brille de manière éclatante à l’écran, avec une multitude de références adroitement intégrées au scénario.
Revoir la femme vampire
Cette évolution des représentations des femmes vampires au cinéma offre l’opportunité d’interroger et de déconstruire les stéréotypes de genre en mettant en avant des personnages féminins plus complexes, multi-facettes et émancipés. Ça constitue une approche fascinante pour analyser la conception de la féminité dans la culture populaire. En revisitant le mythe de la jeune femme vampire, on remarque que les femmes ont très souvent été dépeintes comme des symboles de menaces puissantes, imprévisibles, et menaçantes pour le patriarcat. Étant donné que les femmes vampires ont été confinées à un rôle objectivant de femmes fatales à la sexualité débridée, il est pertinent d’explorer comment il est possible, aujourd’hui, de détourner les normes de genre traditionnelles au travers de représentations plus contemporaines.
Le film explore de manière ludique le parallèle entre la première morsure et la perte de la virginité, comme pour faire un clin d’œil à ces représentations traditionnelles. Dans Vampire humaniste on présente Sasha comme une emo qui pense librement, une figure d’une intégrité monstrueuse. Elle se démarque en refusant de suivre une trajectoire prévisible ou de se conformer aux attentes imposées par les normes vampiriques. Cette réinterprétation audacieuse de la figure de la femme vampire traditionnelle se traduit par une rupture des aspirations sociales imposées par son entourage, subvertissant ainsi les conventions du genre.
Vampire humaniste vaut le détour. Il réussit à revisiter avec une touche rafraîchissante un sous-genre cinématographique haletant, insufflant une perspective moderne à une icône emblématique du folklore fantastique. Le film est assez drôle par moment aussi.
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Durée : 1h30
Crédit photos : H264 Distribution