My Salinger Year : Salinger au féminin

Canada, Irlande, 2020
Note : ★★★

Le cinéma de Philippe Falardeau (notre entretien ici) célèbre la tendresse et la sympathie. C’est un cinéma fait avec le cœur, qui aime profondément ses personnages. C’était évident dès C’est pas moi, je le jure! (notre article ici) en 2008 et Monsieur Lazhar en 2011, et ce l’est encore aujourd’hui avec My Salinger Year, son neuvième long-métrage de fiction à titre de réalisateur. La bienveillance est toujours au rendez-vous. Ici, la légèreté prime encore plus que dans ses derniers opus réalisés en langue anglaise.

My Salinger Year raconte l’histoire de Joanna, campée avec charme par l’actrice américaine Margaret Qualley, aspirante écrivaine fraîchement diplômée de l’université qui, en 1995, déménage à New York dans l’espoir de se rapprocher de ses cercles littéraires et de réaliser ses ambitions d’écrivaine. Elle y trouve un emploi dans une agence littéraire un brin démodée qui représente le fameux écrivain J.D. Salinger, auteur du classique The Catcher in the Rye. Confinée à un banal poste de secrétaire, Joanna a comme tâche principale de lire toutes les lettres que ses admirateurs envoient à Salinger et de transmettre en retour une lettre impersonnelle expliquant que l‘auteur, aussi mystérieux que réputé, ne pourra malheureusement pas leur répondre. On l’enjoint de déchiqueter ensuite toute cette correspondance adressée à Salinger, qui ne veut surtout pas en entendre parler. Amoureuse des lettres et touchée par certains des témoignages reçus, Joanna remettra en question, à leur lecture, son travail et sa vision du monde. Elle ne pourra résister à la tentation de déroger quelque peu à la tâche que lui a assignée une patronne à la sensibilité émoussée.

Théodore Pellerin

Formellement, My Salinger Year est tout-à-fait réussi. Sa réalisation est ludique, inventive et fantaisiste par moment. Le réalisateur propose une esthétique rétro, surannée, comparable à celle de son précédent opus de 2016, Chuck. La réalisation est remarquable autant par la direction photo que par la direction artistique et les costumes.

Falardeau crée un univers charmant et chaleureux dans lequel le spectateur est immergé, comme dans une douce enveloppe, à l’abri de toute menace, de toute forme de négativisme. Ainsi, tout apparaît lisse et léger dans cet univers. Même les enjeux plus sombres tels le suicide d’un collègue ou les ruptures amoureuses de Joanna semblent sans réelle gravité.

On s’engage dans le dernier film de Falardeau comme on le ferait sur une rivière tranquille où il fait bon voguer, où l’on se laisse bercer. Mais cette rivière qui ne nous secoue jamais n’apporte pas non plus l’excitation de naviguer.

Falardeau propose un énième récit d’émancipation qui incite à la poursuite de ses rêves, à l’instar de la protagoniste. Formule universelle, souvent inspirante, mais encore plus souvent clichée.

Sigourney Weaver et Margaret Qualley

Ceci dit, le propos du cinéaste n’est pas complètement superflu.

My Salinger Year propose un bel hommage à la littérature en lui conférant un immense pouvoir dans la vie des gens. Le personnage de Joanna prend conscience de ce pouvoir au contact des lettres des admirateurs de Salinger. Elle donne ainsi corps à son rêve de devenir écrivaine elle-même. Elle vient confirmer et rendre réelle son ambition puisqu’elle réalise que la littérature peut servir les lecteurs, les aider à vivre. Ainsi rapprochée de la réalité, la littérature est démystifiée. L’ensemble du film, ayant pour message l’importance de ramener les choses à l’essentiel, trouve sa beauté dans sa dimension significative.

Certes, tout cela est pétri de bons sentiments, mais en cette époque où l’actualité incite à broyer du noir et affecte le moral de tous, en étendre une bonne couche ne fait pas de mal.

 

Bande annonce originale:

Durée: 1h41

Crédits photos : micro_scope / Mongrel Media

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