Les CHSLD aux RIDM : Garder espoir

Québec, 2019 et 2020
Note: ★★★ 1/2

Lorsqu’ils ont entamé, en 2019, le tournage de leurs documentaires CHSLD, mon amour et CHSLD, Danic Champoux et François Delisle n’avaient aucune idée que leurs sujets seraient sur toutes les lèvres à cause de la pandémie. Aujourd’hui, on perçoit leurs films comme des œuvres poétiques qui redonnent espoir alors que le traitement réservé aux personnes âgées dans les résidences du Québec a été fortement critiqué cette année.

En effet, deux documentaires québécois qui sont actuellement présentés aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal ont été filmés en CHSLD. Ils sont tous les deux offerts en ligne dans la section « repenser l’intimité » du 26 novembre au 2 décembre.

Le long-métrage CHSLD, Mon amour de Danic Champoux dresse un portrait sensible et poétique des résidents du CHSLD Émilie-Gamelin dans le quartier Centre-Sud de Montréal. CHSLD, un court-métrage de François Delisle, se situe lui aussi au centre Émilie-Gamelin, mais agit plutôt en touchant hommage à sa mère qui passe ses derniers jours au CHSLD. Il est surtout constitué de photos et d’enregistrements audio de conversations avec sa mère et une préposée.

Bien que les deux récits soient très touchants, ils deviennent aussi évocateurs de douloureux souvenirs lorsqu’on les regarde aujourd’hui, à la lumière des événements des derniers mois. Le générique de fin du film de Delisle prend d’ailleurs une tournure presque politique alors qu’il commente directement la situation des CHSLD en temps de pandémie. Si son film a été tourné en 2019, il ne se gêne pas de le recontextualiser en 2020, déplorant notamment que 80% des victimes de la Covid-19 au Québec proviennent de centres pour personnes âgées, et que la plupart de nos aînés ont été condamnés à vieillir, voire à mourir seuls, cette année.

On se rappelle que les CHSLD ont été au cœur de nombreux enjeux socio-politiques cruciaux dans les derniers mois. Il a notamment été question, au gouvernement et dans les médias, de réfléchir aux salaires et aux conditions de travail des préposés, de régulariser ou non le statut d’immigration de certains de ces travailleurs, d’appeler la population à venir leur prêter main forte, de se demander jusqu’à quel point on devait priver les aînés mourants de voir leurs familles, etc.

Dans la foulée de ces débats publics, des cris du cœur de travailleurs du milieu de la santé, surtout publiés sur les réseaux sociaux, ont fortement résonné dans l’imaginaire des Québécois. Alors que la réputation des CHSLD avait déjà été entachée au fil du temps, disons que 2020 leur aura scellé une image de mouroirs à l’abandon. On a été forcé de constater à quel point nos aînés ont été délaissés par les politiques publiques et la société en général.

C’est pourquoi les films de Champoux et Delisle nous aident à garder espoir. Ces deux œuvres sont magnifiques à leur manière. CHSLD, Mon amour nous présente des personnages qui, malgré ce qu’on pourrait penser, demeurent beaux, sensibles, et attachants. On y rencontre à la fois des résidents, mais aussi des préposés dévoués. Même chose dans CHSLD de Delisle. Le personnel est irréprochable. Il n’est pas question d’entendre parler de manque de moyens financiers ou de situation de crise. Dans les deux films, les préposés sont en parfait contrôle.

Les deux œuvres en appellent à un profond respect envers la vocation de ces gens et envers l’importance des résidences pour personnes âgées. Au fur et à mesure que la société québécoise repensera les politiques publiques qui encadrent le fonctionnement de telles institutions, il faudra maintenant penser à l’humanité de la démarche des cinéastes et aux visages qu’ils nous auront présentés.

Plus encore, les deux films font preuve d’une maîtrise technique impressionnante de la part des deux réalisateurs. La composition des images de Champoux est très efficace en ce qu’elle cerne toute la puissance du regard de ses sujets et crée des associations poétiques uniques. Puis, les photographies de Delisle témoignent de tout l’amour qu’il porte pour sa mère et de la sincérité de sa démarche.

Ainsi, CHSLD, Mon amour et CHSLD allient poésie et urgence politique, intime et collectif. Ils rappellent le pouvoir du cinéma d’inspirer des changements sociaux concrets, et celui du documentaire de créer des rencontres touchantes et nécessaires.

Bande annonce originale de CHSLD:

Durée du film: 20m

Bande annonce originale de CHSLD, Mon amour:

Durée du film: 1h16

 

Ces films ont été vus dans le cadre des RIDM 2020.

Crédits photos: Magasin Général/Fragments distribution

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