La petite histoire d’un grand film divise notre rédaction – ♥♥/♥♥♥♥
Histoire méconnue de la création du film Mary Poppins et de la relation houleuse entre Walt Disney et P.L. Travers, si tendue que le film faillit bien ne jamais voir le jour…
POUR/ Les studios fêtent l’anniversaire de l’un de ses chef-d’œuvre; dans la foulée, ils sortent le film familial le plus réussi de l’année ♥♥♥♥
C’est le cinquantième anniversaire de Mary Poppins, le chef-d’oeuvre de Walt Disney, son dernier grand film à titre de producteur. Le studio Disney, comme à son habitude, commémore l’anniversaire avec une édition spéciale DVD/Blu ray et d’autres produits dérivés, un peu comme il avait fait pour le 45e anniversaire du film et pour les autres multiples de 5 années que le films a connus. Lors du 45e anniversaire, en 2009, les gens de chez Disney avaient produits un documentaire, The Boy, sur les frères Sherman, les créateurs de la musique du films, cette année pour commémorer le 50e anniversaire, ils produisent un long métrage sur des événements qui ont entouré le création du films.
Il aura fallu près de vingt ans à Walt Disney pour convaincre P.L. Travers de lui céder les droit du son roman. Dans la première offre officielle, Disney lui offrait 10 000$ et au final, il lui a versé 100 000 $, 5% et un droit de regard sur le scénario final. Le film commence au moment au Disney propose cette dernière offre, P.L. Travers connaissant quelques problèmes financiers, se voit forcer d’accepter. En parallèle, le film nous raconte l’enfance de P.L. Travers, les événements qui ont inspiré sa célèbre série de romans.
Si la partie de l’analepse racontant l’enfance de Travers n’est pas totalement convaincante, celle se déroulant dans le présent filmique est une grande réussite.
John Lee Hancock est celui qui nous avait donné The Blind Side en 2009, film qui valu a Sandra Bullock l’oscar de la meilleure actrice et le directeur photo, John Schwartzman, est un proche de Francis Ford Coppola (c’est lui qui a réalisé Tucker: a man and his dream). C’est de cette parentalité que le film émerge. Une réalisation hyper-académique, précise, sans temps mort, c’est comme un bonbon visuel et comme Tucker, Disney a un rêve, celui d’adapter Mary Poppins à l’écran. À coup de charme, de toutous, de gâteaux et de psychologie à deux cents il parvient à ses fins, sous son apparence de gentil mononcle gérant de magasin de jouet, il est avant tout un homme d’affaire, qui ne préférait ne pas voir son auteure assister à la première médiatique, puisqu’il sait que toute la presse y sera, mais c’est que l’auteure pourrait bien y faire une scène… Le film, subtilement, critique sa façon la façon disneyenne de faire, et c’est là que le film est intéressant; c’est voir comment un réalisateur, John Lee Hancock, qui travaille au sein de studio Disney, arrive à porter un regard parfois peu flatteur sur son père créateur. Pour peu, on se croirait à l’époque de Code Hays, lorsque les réalisateurs faisaient appel à leur ingéniosité et au talent des comédiens pour effleurer la subversion. Tom Hanks est parfait, peut-être physiquement plus proche de Cary Grant ou de Maurice Chevalier que de Disney, il réussit a donner une profondeur au personnage, à nous suggérer qu’il n’était peut-être pas le grand-papa gâteau qu’il n’y parait au premier apport.
J’entends déjà critiquer certains de la non véridicité de certains faits, la fin du film entre-autre. Dans le film, on voit P.L. Travers pleurer d’émotions en voyant le film de Mary Poppins, alors que dans la vrai vie elle avait profondément détesté le produit final, refusant catégoriquement que toute suite soit produite. À eux, je répondrais de revoir le film, puisqu’ils n’y auront rien compris: il y a en effet une longue scène dans lequel les frères Sherman et Don DaGradi (co-scénariste de l’adaptation) explique à P.L. Travers pourquoi, parfois, pour le bien d’un film, on en vient à modifier les finals, que c’est pour mieux servir le film. C’est exactement ce qu’on fait Kelly Marcel et Sue Smith, les scénaristes de Saving Mr. Banks, ils servent le film, l’esprit général de l’œuvre. Laurent Gariepy
CONTRE/
Quand Mickey rencontre Mary – ♥♥
Le film commence avec quelques notes de piano, bien caractéristiques de la bande-originale des frères Sherman et l’on est immédiatement replongé en enfance, dans ce chef d’oeuvre de Robert Stevenson. Centré sur le personnage de Pamela Lyndon Travers, l’écrivain de la série de romans pour la jeunesse, le film fait l’aller-retour entre son enfance avec ses parents – en Australie – et les années de 1961 à 1964, durant lesquelles elle a travaillé sur l’adaptation de son personnage avec Walt Disney. Mais ces flashs-backs, disséminés dans le film, font parfois perdre le déroulement chronologique du film et l’image très lisse et lumineuse les fait apparaître comme une sorte de rêverie. Fantasme a posteriori ou histoire réelle de P.L. Travers, ces séquences sont tellement travaillées qu’elles en perdent leur crédibilité, sans parler des ralentis kitschissimes sur Colin Farrel (jouant Travers Goff, le père de l’écrivain) faisant du cheval avec sa fille, les cheveux dans le vent. Le drame personnel de l’écrivain, qu’elle a retransposé dans sa série de romans, explique les rapports tendus et les incompréhensions qu’elle a pu avoir avec Walt Disney et son équipe. Mais en souhaitant aussi s’adresser à un public jeune, John Lee Hancock esthétise les passages dramatiques et simplifie à outrance les évènements pour les rendre plus accessibles et les atténuer. Pour ceux qui souhaiteraient mieux connaître les relations de l’écrivain avec son personnage, mieux vaudra donc lire l’ouvrage de Valerie Lawson : Mary Poppins, She Wrote : The Life of P. L. Travers.
Dans la forme, le film étant produit et distribué par les studios Disney, il suit un cadre très formalisé, exagéré voire stéréotypé. Emma Thompson est une femme psycho-rigide accro aux médicaments, Tom Hanks en Walt Disney pourrait tout autant rivaliser avec Sylvio Berlusconi pour le bronzage et les cheveux gominés et Paul Giamatti, confiné au rôle congru du chauffeur de taxi au regard éberlué, fait un peu figure de ravi de la crèche. Quasi-caricaturaux, les personnages pourraient être collés dans n’importe quel film de fiction des studios Disney, le problème étant ici que l’oeuvre est présentée comme biographique. La visite du parc Disney est en cela très révélatrice : les costumes d’époque des personnages Disney et les décors des années 1960 proposent une belle reconstitution, mais à vouloir donner une image idyllique de ce monde, tout sonne faux et l’on a mal aux zygomatiques pour les figurants qui sourient sans discontinuer durant la séquence.
Même si elle transparaît un peu, on aurait aimé connaître la vraie histoire de la création de ce Mary Poppins en explorant de manière plus fouillée le personnage de P.L. Travers. John Lee Hancock semble entendre cette critique en collant une séquence d’enregistrement original du travail entre l’écrivain et l’équipe du film de Walt Disney pour donner un peu de crédibilité à son oeuvre. Cela ne suffit malheureusement pas …
Benoît Rey