Les 5 courts-métrages de fiction des Oscars 2023

Dans le cadre de la 95e cérémonie des Oscars, nous vous proposons une brève introduction, ainsi que notre appréciation des cinq courts-métrages de fiction en nomination cette année. Bien qu’ils soient tous intéressants pour différentes raisons, les courts-métrages sont ici disposés en ordre décroissant d’appréciation (du plus aimé au moins aimé).

(Cyrus Neshvad)

Luxembourg, 2022

Une jeune fille iranienne de 16 ans arrive à l’aéroport de Luxembourg et attend sa valise rouge au retour de bagages. Dès le départ, l’ambiance indique que quelque chose ne va pas, que la petite fille ne se sent pas à sa place. La teinte sombre du film, le peu de dialogues, l’isolation du personnage dans un coin de l’écran, par la mise en scène, et le langage corporel de cette dernière, établissent cette atmosphère dérangeante qui incite à en savoir plus. Une soif apaisée lorsqu’un nouveau personnage entre en scène. Cet homme, bien plus âgé que le personnage principal, est son futur époux et l’attend au débarcadère. Une panique silencieuse s’installe alors dans le jeu de la jeune actrice, qui n’a pas besoin de parler pour faire comprendre cette situation, dont la claire pétrification de son visage est assez pour en témoigner. S’en suit une évasion de l’aéroport, où la jeune fille cherche par tous les moyens de sortir, obstacle après obstacle, de cet endroit sans se faire voir par l’homme. 

 

Réalisé par le cinéaste iranien, basé à Luxembourg, Cyrus Neshvad, ce drame reflète non seulement une horrible réalité trop souvent mise sous silence, mais l’aborde de manière à se placer au centre de l’action, à la manière d’un film à suspense. Dans ce rôle difficile, la jeune actrice Nawelle Evad performe avec brio, en faisant surgir à l’écran les émotions complexes de son personnage qui doit faire face seule à la situation terrible de se marier par la force. Presque un film d’horreur, car parfois une terrible situation réelle fait plus peur qu’une fiction de monstres, ce court-métrage est bouleversant du moment où son personnage principal ne fuit plus un homme, mais son emprise, son contrôle, elle court pour sa liberté.

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» Ivalu

(Anders Walter et Pipaluk K. Jørgensen)

Danemark, 2022

Suite à la disparition de sa sœur Ivalu, la jeune Pipaluk parcourt les vallées et les rives de son petit village au Groenland. Si l’amorce de cette histoire semble simple, il en est tout le contraire, avec ce cruel récit de perte, d’injustice et de violence. Le réalisateur danois Anders Walter, qui avait remporté en 2014 l’Oscar du meilleur court métrage de fiction pour son film Helium, revient ici vers le sujet de l’enfance et de l’innocence, en abordant des thèmes dont les enfants ne comprennent pas toute l’ampleur. Faisant la narration, Pipaluk amène avec elle l’audience dans la pureté de sa pensée et la simplicité de ses conclusions sur la nature de la disparition de sa sœur. 

 

Ivalu est à la fois un magnifique aperçu du monde tel que vu par la jeune fille et une représentation vive de sa douleur et de la peine qu’elle ressent. Ce court-métrage est un hommage à la culture Inuit, dont la langue est parlée tout au long du film, ainsi qu’à la nature, par ses paysages à couper le souffle.

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(Alice Rohrwacher)

Italie, 2022

C’est le temps des Fêtes, Noël approche et l’énergie se fait ressentir dans un petit pensionnat catholique en Italie. Cette comédie légère suit un groupe de jeunes filles disciplinées par quelques strictes religieuses, qui prennent à cœur les tâches du quotidien et les valeurs traditionnelles. Prenant place durant la Seconde Guerre mondiale, la nourriture et les biens du quotidien manquent. Le pensionnat survie alors surtout grâce aux quelques donations des villageois. Se présente donc, à un moment du court-métrage, une villageoise fortunée qui offre un large gâteau au pensionnat. Un rare plat à voir en ces moments de misère, pour les jeunes filles qui peinent à résister à la tentation.

Outre le fameux gâteau, qui constitue un élément de désir pendant une bonne partie du récit, le film aborde beaucoup les thèmes de l’amitié et de la bonté, mais aussi de la trahison et de la mauvaiseté. Extrémistes, les religieuses disciplinent effectivement par la dualité et non les nuances. Il se constitue alors un intéressant récit moral, mais sans réelle morale, comme le spécifie ironiquement la fin du film, plaisantant sur le manque de conclusion à l’intrigue. C’est cet aspect autodérisoire qui donne toute sa valeur au court-métrage. Il assume n’être qu’un conte de Noël, une belle histoire simple supportée par un ensemble de jeunes actrices de talent qui charment par leurs personnalités et leur familiarité.

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» An Irish Goodbye
(Tom Berkeley et Ross White)
Royaume-Uni, 2022

An Irish Goodbye est l’histoire de deux frères, du handicap de l’un, des responsabilités de l’autre et du deuil de leur mère. Il est difficile, à quelques reprises, de faire harmoniser à l’écran tous ces sujets dans un court-métrage de seulement 23 minutes, mais il réussit tout de même à capter l’audience en privilégiant surtout le sujet du handicap. Assez prédictible, l’histoire suit le parcours typique du récit de style « bucket list », selon lequel un personnage mourant produit une liste d’activités ou d’éléments spécifiques à faire avant de mourir. Dans cette situation, la liste en question sert souvent à réconcilier des personnages par l’objectif commun d’accomplir ces tâches ou bien à augmenter le capital attachant d’un personnage qui se retrouverait peut-être du mauvais côté de l’histoire.

Ici, ce sont les deux frères, Lorcan et Turlough, qui réalisent ensemble les dernières activités que leur mère souhaitait réaliser de son vivant. Une épreuve qui rapproche les deux frères, mais surtout supporte Lorcan dans sa détermination à montrer à son frère sa capacité de s’occuper de la ferme familiale, dont Turlough doute dû à la trisomie de ce dernier. L’handicap prend une grande importance dans le récit et en allège le contenu, car fait moins ressentir le poids du deuil. Par une teinte d’humour noir et un scénario coloré qui met en valeur le caractère de ses personnages, le court-métrage semble aux premiers égards aborder la mort, mais est plutôt le témoignage d’un amour entre frères. Les réalisateurs Tom Berkeley et Ross White font une belle représentation du handicap et de la volonté de son personnage à être entendu et reconnu auprès de son frère surtout. Soutenu par un fort jeu d’acteurs, An Irish Goodbye est un petit récit qui vaut amplement le détour, sur la confiance et la déception d’être tenus pour acquis.

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(Eirik Tveiten)

Norvège, 2020

Ebba attend son tramway sur le quai d’embarcation tard le soir. Lorsqu’il arrive en avance, elle demande au chauffeur s’il est possible d’entrer pour se réchauffer, le temps qu’il soit l’heure de partir. Ce dernier refuse et Ebba décide d’y entrer tout de même en mettant en route le tramway. S’en suit une aventure imprévue et tout à fait absurde, dans laquelle elle se retrouve forcée d’assumer le rôle de conductrice du véhicule. Un peu décousu, ce récit prend pour fondations le vol inattendu et difficilement justifiable du véhicule. Un sentiment difficile à mettre de côté, jusqu’à ce que soit introduite une nouvelle péripétie à l’histoire. Une passagère se fait intimider et physiquement agresser par un groupe d’hommes transphobes. À partir de ce moment, l’humour qui dépeignait les aventures d’Ebba se fait remplacer par un ton soudainement plus sombre.

Le réalisateur norvégien Eirik Tveiten offre un court récit qui n’amène pas vraiment à une conclusion, mais qui fait du bien. C’est une simple histoire anecdotique, mais attachante qui condamne toute violence faite à l’égard d’individus vivant avec un handicap, comme Ebba, qui est une personne de petite taille, ou pour leur expression et/ou identité de genre.

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Bon cinéma !

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