France, 2015
Note:★★
Primés à de multiples festivals, les courts-métrages de Thomas Salvador lui ont permis de se forger un style singulier et de réaliser son premier long Vincent n’a pas d’écailles.
Il est question d’un homme, Vincent (Thomas Salvador lui-même), lequel, au contact de l’eau voit sa force se décupler. On suit alors son arrivée dans le Sud-est de la France, lieu aux innombrables lacs et rivières lui permettant de vivre en toute quiétude proche de son habitacle naturel, c’est du moins ce qu’il s’imagine.
Le réalisateur s’est visiblement amusé avec les codes du genre fantastique. Ici, pas de scènes ou de prologue expliquant l’origine du pouvoir surnaturel de son héros. Il ancre le personnage dans la réalité somme toute banale du quotidien pour créer une authenticité en opposition totale avec sa condition. Vincent mange, travaille, et trouve même le temps de tomber amoureux. Toutefois, à trop vouloir ressembler au quidam du village du coin, le réalisateur perd l’intérêt du spectateur qui ne comprend plus si l’on se situe dans la comédie ou le fantastique. Non pas que les deux univers soient incompatibles, mais l’économie de narration délibérée de l’auteur nuit à la compréhension: peu de dialogues, musique quasi inexistante. Ne subsiste alors que Vincent, son pouvoir et son questionnement.
Et que dire de la bande-annonce qui nous vend le premier film de super-héros français ?
Il faudra passer le cap, le mot est faible, de la première demi-heure pour que le film démarre vraiment. Car c’est dans la technique et du coup dans l’action que Thomas Salvador excelle. Les effets spéciaux garantis 100% sans effets numériques (cf la bande-annonce) sont surprenants de réalisme et feraient rougir de honte les plus grands studios hollywoodiens au vu du budget avec lequel le réalisateur a dû composer. Un désir de plus pour le cinéaste d’apporter du réalisme et de l’épaisseur à son personnage, voulant ainsi rompre avec les schémas types des blockbusters, qui, sans le vouloir, créent un effet de distanciation avec le spectateur.
Cadrage raffiné, lumière diaphane, rien n’est laissé au hasard pour nous séduire. On serait presque tenté de prendre un aller simple pour les gorges du Verdon. Malheureusement, le décalage, imputé au combo humour/fantastique, vient gommer la magie créée par les images. Certes, quelques idées bien senties comme l’essayage de la combinaison qui renvoie au costume de super-héros, ou encore des références au célèbre homme-araignée (la scène du baiser renversé) essaient de nous captiver mais malheureusement, le film aurait pu s’intituler L’inconnu du Lac tant l’antipathie à l’égard du héros s’empare de nous. On ne comprend pas l’enthousiasme que ce film a suscité chez nos confrères critiques tandis que le nôtre s’efface complètement avec une fin en queue de poisson qui n’est pas sans rappeler le goût amer laissé par le dernier épisode de la série télévisée Dexter. (C’est dire…)
Thomas Salvador, joue, réalise, invente même des trucages. Si l’investissement est palpable, la démarche honnête et singulière, le résultat, lui, n’est pas proportionnel aux efforts fournis. Au final, on reste dubitatif face à autant de talent gâché par un réel manque de questionnement sur les tenants et les aboutissants du film.
durée: 1h18