Allemagne, 2021
Note : ★★★ ½
Dans un genre saturé par les grandes productions à gros budget, il est rafraîchissant de découvrir, à de rares occasions, de plus petites productions originales de science-fiction telle que I’m your man. Cette comédie romantique allemande offre une merveilleuse leçon d’humanité dans un contexte de quotidienneté.
Davantage reconnue sur le continent européen pour sa carrière d’actrice, la cinéaste allemande Maria Schrader a surtout accédé à une notoriété internationale en réalisant Liebesleben (2007), Vor der Morgenröte (2016) et plus récemment la minisérie sur Netflix : Unorthodox (2020). Ce qu’elle offre maintenant est un film dont le sujet se distingue amplement de ce qu’elle a l’habitude de produire.
Étant à majorité des drames biographiques, les premières réalisations de l’artiste offrent toujours un regard très intime dans la vie de ses personnages. Dans le cas de I’m your man (Ich bin dein Mensch, dans sa version originale), le fond fictionnel du récit l’éloigne du genre adopté par Schrader, tandis que sa forme le rapproche de ce dernier. Ressemblant en effet à une biographie, ce drame léger exhibe la banalité du quotidien d’un duo hors du commun, composé d’une archéologue et d’un androïde.
En offrant ici une puissante performance qui lui a valu plusieurs récompenses (dont le prix du meilleur rôle au Berlin International Film Festival), Maren Eggert prend le rôle du docteur Alma Felser. Afin d’aider un comité éthique à déterminer si un jour les humains pourront fréquenter et éventuellement marier des êtres artificiels, elle se prête à contrecœur à l’expérience de vivre avec un androïde. Étonnement bilingue en allemand, l’acteur britannique Dan Stevens incarne Tom, l’homme artificiel de cette prémisse.
Initialement prévue pour une durée de trois semaines, cette cohabitation devient très vite difficile pour Alma qui souhaite mettre fin à l’activité avant son terme. Bouleversant son rythme solitaire, la présence de Tom engage l’archéologue dans une introspection qui devient rapidement une certaine quête identitaire. Refoulant certains traumatismes d’une ancienne relation, cette dernière est soumise à ses démons qui refont surface avec l’arrivée du nouveau locataire.
En introduisant dans le récit l’androïde comme tel, c’est-à-dire comme étant une machine, il est normal et prévu que le spectateur puisse éprouver le même inconfort qu’elle pour cet objet étrange. Plus les jours progressent, plus Tom semble pouvoir arriver à se développer une personnalité et plus Alma finit par se raccorder davantage avec ses troubles du passé. Dans le même mouvement, l’archéologue s’attache à ce que l’androïde parait devenir. Réduisant au minimum les scènes à effets spéciaux, il arrive presque parfois d’oublier que Tom n’est qu’une machine et l’impression vient souvent que le duo est un couple qui apprend tout simplement à s’aimer.
Judicieusement composé, le film dépeint Berlin avec une certaine palette de couleurs pastel sur une toile sonore de fond ambiante et légère. Schrader dramatise cette comédie en instaurant une certaine monotonie, une vie ordinaire assez grise pour ses personnages. Nul besoin d’exagérer avec des scènes d’action qui trop souvent gorgent les productions cinématographiques. Si Tom est ce fabuleux gadget de tout usage, cette prouesse de la cybernétique et de la robotique, il est intéressant de voir ici que sa prédestination est plutôt singulière, il est tout simplement là pour aimer.
I’m your man déjoue les standards esthétiques du genre et offre plutôt un simple discours introspectif sur la condition humaine, entre deux êtres qui ne peuvent être plus fondamentalement différents. Ou pas ?
Si le climat instauré, le talent exprimé lors des inspirantes performances et l’originalité de cette œuvre témoignent de sa qualité, une légère bavure dans le développement de certains personnages secondaires ralentit son rythme. Atteint de démence, le père d’Alma est vu, lors de très rares occasions, interagir avec sa fille. Symbolisant un pilier émotif pour l’archéologue, ce personnage demeure important pour le récit, mais son implication dans certaines situations bouleversantes vers la fin du film, laisse en suspens des questionnements qui n’ont pas lieu d’être.
Outre certaines maladresses, I’m your man nécessite d’être vu. Qui peut refuser une légère balade dans le quotidien d’un duo tentant de comprendre et de conceptualiser l’amour et le bonheur ?
Bande-annonce originale allemande (avec sous-titres anglais) :
Durée : 1h48
Crédit photos : Bleecker Street