Le Club Vinland : Reculer pour faire du surplace

Québec, 2020
Note : ★★ 1/2

Un éducateur au sein d’un établissement religieux de l’est du Québec des années quarante tente de donner la fougue de l’apprentissage, outre les valeurs catholiques, à ses étudiants en décelant certains mystères entourant l’arrivée des Vikings en sol québécois.

Le club Vinland, dernier film de Benoit Pilon (Iqaluit, Décharge, Des nouvelles du nord), nous présente ici un récit plutôt classique, dans la veine de Dead Poets Society. Un enseignant quelque peu progressiste, travaillant au sein d’un couvent catholique, désire à tout prix partager son savoir à ses élèves, ce qui ne fait pas l’unanimité auprès de ces confrères religieux. Se déroulant dans le Québec Duplessisé de la fin des années 40, ces prêtres et ces jeunes garçons tentent de questionner l’autorité religieuse et l’éducation par l’exploration d’une historicité alternative. Le frère Jean (Sébastien Ricard) cherche ici à démystifier l’arrivée des Vikings au Québec. Pas de vikings néanmoins dans ce film, mais des croix et des sermons à revendre.

Avec une distribution de professeurs particulièrement bien garnie (Rémy Girard, Émilie Bibeau, Fabien Cloutier), accompagnée d’une panoplie d’élèves, dont Arnaud Vachon dans le rôle principal. Ricard, fidèle à ses habitudes, performe avec un grand dévouement la personnification d’un frère à la fois sévère et possédant une perspective avant-gardiste vis-à-vis les mœurs conservatrices de l’époque. Le reste de la brochette d’acteurs nous offre des prestations convenues et sans réelle surprise. Il faut tout aussi déplorer le manque de diversité au sein de la distribution, possédant une unique femme, cloîtrée dans le rôle de la veuve de guerre qui en arrache. De fait, il est quelque peu désolant, malgré que le film se veut une œuvre d’époque, de faire incarner des autochtones stéréotypés à des enfants. Boiteuse décision qui semble loin derrière les enjeux de son temps.  

Conjointement, le long-métrage dégage une certaine nostalgie du Québec d’antan, un réel besoin de retourner vers le terroir, comme en quête identitaire, au centre d’un Québec contemporain et révolu. Par son propos daté et son récit vieillissant, on dénote un repli vers soi, par réflexivité probablement. Un besoin étrange et quelque peu latent de raconter le passé de façon à questionner des enjeux qui sont loin d’être actuels. Ironiquement, le personnage du frère Jean doit toujours se justifier de son ouverture, de ses doutes, de ses remises en question envers l’acquis. C’est le progressiste. Et pourtant, le film se veut à l’opposé de cette morale, stagnant avec des personnages empoussièrés et des enjeux d’un autre temps, stratifié d’une façon de raconter des histoires à l’américaine.

Car, nous pourrions aisément omettre une réflexion quant à la nécessité de ce long-métrage, affirmer qu’il s’agit d’une simple histoire d’espoir voulant plaire à un large public et sans plus. Ne soyons pas dupes et questionnons le choix d’une recontextualisation de l’histoire des couvents québécois dans le contexte présent d’une société prise entre deux chaises; la laïcité et l’héritage historique. Le film, malgré ses attributs gentillets (le générique de fin entre autres, les acteurs remerciant tous un enseignant les ayant marqués…), se veut davantage politique qu’il tente de l’exprimer. L’autorité étatique du catholicisme remise en question, l’obsession pour une culture autre (les Vikings) en faisant abstraction de l’héritage culturel de la colonisation, ainsi que l’élimination complète du passé d’agressions au sein des couvents québécois. Ces éléments peuvent se perdre au milieu de cette histoire touchante qui ira rejoindre les rangs des films de Fred Pellerin aux soirées cinéma de Radio-Canada. Et pourtant. Je pense que c’est important de se questionner. 

À la fin, il est évident que ce que nous allons retenir du long-métrage est son habileté à raconter un bon récit et faire vivre certaines émotions, parfois même de manière plutôt habile. De fait, notons la direction photo qui est loin d’être désagréable à regarder, voire plutôt surprenante. Avec des éclairages adoucis de lumière du jour, des clairs obscurs inventifs et une certaine souplesse et créativité dans les cadrages, la vision esthétique de Pilon, alimentée par le talent de François Gamache à la photographie, se veut quand même riche et recherchée.

 

Bande annonce originale :

Durée : 2h05

Crédit photos : Les Films Opale

 

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