Salvador, 2020
Note : ★★★★
Gagnant du meilleur moyen-métrage au Hot Docs Canadian International Documentary Festival et présenté dans le cadre de la 16e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (édition en ligne), ce documentaire de la réalisatrice Marlén Viñayo se déroulant dans la prison de San Francisco Gotera au Salvador, raconte la difficulté d’anciens membres du 18th Street Gang d’être homosexuels.
Se confier en toute liberté
Se confiant avec un incroyable laisser-aller, témoignant du travail remarquable de la réalisatrice, l’un des prisonniers de ce pénitencier relate qu’il devait avoir 11 ou 12 ans lorsqu’il a rejoint le 18th Street Gang. Il explique que leur principale tâche au sein de l’organisation était de tuer. Une compétition s’installait alors entre les membres du groupe pour déterminer qui allait tuer le plus, transformant tranquillement le meurtre en sport. C’était devenu un acte de performance. Il affirme ensuite comment, parfois, il coupait le ventre de ses victimes pour en laisser jaillir les organes. Plongeant alors sa main dans leur ventre sanglant pour y arracher le cœur, le regardant battre pendant une seconde avant de le dévorer. Il est difficile d’imaginer comment on peut en arriver à perpétrer des actes aussi cruels, sans avoir connu soi-même autant de violence. L’un d’eux raconte d’ailleurs comment, tout jeune, il fût de nombreuse fois violemment violer par l’homme qui jouait la figure paternelle dans son milieu familial. Mais la plus grande violence qu’ils vivent est celle de la culpabilité de leur homosexualité. Car pour certains d’entre eux, tuer un homme est plus naturel que d’en aimer un.
Vivre dans l’ombre
Dans cet établissement, l’homosexualité se cache sous l’ombre gigantesque du discours évangéliste. Confrontés tous les jours à ces idéologies qui comparent les homosexuels à des animaux et qui conçoivent ce geste comme péché capital, ces hommes qui ont été placés dans une section à part des autres réussissent à trouver parmi leurs semblables un certain réconfort. L’homme que l’on voit le plus souvent est d’ailleurs en couple avec un autre depuis près de 5 ans déjà. Il explique comment, lors d’une rencontre avec leur gang, ils sont tombés amoureux. Ils ont alors ressenti une violente passion l’un pour l’autre, cherchant le moyen de s’embrasser, au risque d’être battus à mort par les autres membres du gang.
Un travail remarquable
Dans son moyen-métrage de 35 minutes, Marlén Viñayo réussit à rendre attachante cette poignée d’hommes qui, malgré leur passé d’une extrême violence, ressentent tout de même de l’amour et de la tristesse. Comme spectateur, le sentiment d’ambivalence est difficile à canaliser. À la fois confrontés à leurs histoires de violences et à leur culpabilité d’être homosexuel, on ne peut que ressentir de l’empathie envers ces prisonniers qui sont, avant tout, des êtres humains. Le travail de cette réalisatrice est remarquable et on ne peut que souligner sa prouesse d’avoir su filmer dans un lieu aussi fermé sur lui-même avec autant d’empathie.
Durée: 35min
Ce film a été vu dans le cadre des RIDM 2020.