Béliers [RAMS]: la comédie qui fonce tête baissée dans l’absurde

Islande, 2016

Note: ★★★ 1/2

Récompensé du prix Un certain Regard au Festival de Cannes 2015, le dernier film de l’islandais Grimur HàkonarsonBéliers (Rams), sort cette semaine au Québec.

On y suit le quotidien de deux frères à la tête dure : Gummi (Sigurdur Sigurjonsson) et Kiddi (Theodor Juliusson) qui ne se parlent plus et soutiennent mordicus leurs points de vue sur une querelle familiale vieille de plus de 40 ans. Malgré leurs différends, l’amour qu’ils entretiennent en commun pour leur lignée de moutons ancestrale va les forcer à se rapprocher suite à l’apparition, dans leur petit village, de la maladie mortelle et incurable de la tremblante du mouton. Dès lors, le vétérinaire du coin n’a de choix que d’ordonner l’abattage de tous les troupeaux ainsi que la décontamination des fermes. Cependant, Gummi semble ne pas vouloir l’entendre de cette oreille et trouve un subterfuge pour contrer la décision des autorités.

Béliers : Photo Sigurður Sigurjónsson
Copyright Arsenal Filmverleih

Dès les premiers plans, l’immensité des paysages où viennent se perdre des personnages au moral en berne nous frappe l’oeil, renforçant l’isolement que l’on ressent en leur présence. Pourtant, malgré une indépendance qu’ils cultivent avec ténacité, les villageois sont solidaires et vouent un affection sans borne pour leurs moutons. Ils créent avec ces derniers un lien de tendresse très fort qui s’apparente à celui d’un parent pour son enfant (nettoyage dans la baignoire, polissage des cornes). Notons que Béliers a été tourné à Bardardalur, au nord-ouest de l’Islande, une région où le secteur d’activité principale reste l’élevage de moutons, à l’image d’une ruralité qui perdure grâce aux traditions ancestrales. Ainsi, cette accointance entre l’homme et l’animal occasionne à de nombreuses reprises le rire, contrastant avec le quotidien plutôt maussade des habitants du coin. Il faut dire que les teintes fades et sans caractère du cadre de vie se distinguent des personnages hauts en couleurs (affublés de chemises à carreaux) et du motif de la tapisserie de la cuisine.

On reconnait bien là l’humour scandinave (Woman at war) qui se singularise souvent par l’absurde et un comique de situation privilégiant le langage corporel aux dialogues (repas de Noël). De fait, lorsque Gummi cherchera à joindre son frère, il aboiera afin que Somi, son chien, vienne récupérer puis délivrer son message en toute impartialité. En outre, son air grincheux et renfrogné fait de ce personnage fruste mais attachant, un être profondément théâtral qui provoque le rire à son insu.

Avec des personnages aussi imprévisibles et indépendants que les bêtes, le réalisateur prend malgré tout le temps de poser sa caméra, l’action ne sortant que très rarement du cadre. Cette lenteur en découragera certains mais pourrait tout aussi bien en séduire d’autres, notamment le public québécois, avec ces quelques scènes hivernales où les situations cocasses du quotidien font mouche.

Durée: 1h33

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