Quelques brèves critiques du début de 2025

Les rédactrices et rédacteurs de Cinémaniak font part, au courant de l’année, de leurs opinions des derniers films à l’affiche sous forme de brèves exclusives à nos réseaux sociaux. Voici maintenant accessibles ici pour toutes et tous les brèves des trois premiers mois de l’année 2025. Bonne lecture!

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> L’amour ouf (Gilles Lellouche)
France, Belgique
★★★★

Un film qui nous fait virevolter ! Gilles Lellouche livre une adaptation magistrale du roman de Neville Thompson, parvenant à nous couper le souffle. On suit Jacky et Clotaire à travers les années, entre amour impossible, quête de reconnaissance et séparation, dans une histoire poignante et crue. Images troublantes, maltraitance, et violence banalisée rythment ce récit sans concession, où la violence, jamais gratuite, reflète les fractures sociales et émotionnelles des protagonistes. Une œuvre puissante mais réservée à un public averti, tant son réalisme peut déranger. Le film possède une beauté brute et déchirante, où chaque détail résonne avec une émotion viscérale. La mise en scène léchée, le rythme effréné, et la bande-son immersive ancrée dans les années 80 magnifient cette expérience. Adèle Exarchopoulos et François Civil, au sommet de leur art, côtoient avec brio Mallory Wanecque et Malik Frikah, remarquables dans leur interprétation vibrante de la jeunesse des personnages.

– Une critique de Tiffany Melin.

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> Quand vient l’automne (François Ozon)
France
★★★★

Dans son 23e long métrage, Ozon nous dévoile un fragment de la vie de Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports. Un accident survient alors que sa fille, déjà très peu attentive à son égard, lui rend visite. Celle-ci décide alors d’annuler les vacances de son fils chez sa grand-mère. La mise en scène, à la fois dépouillée et réaliste, donne un film où les actrices qui incarnent des personnages semblent vivre en totale adéquation avec leurs âges et leurs expériences. Le film nous emmène aux côtés de Michelle, une protagoniste à laquelle il est impossible de ne pas s’attacher, malgré tous les dilemmes moraux qu’elle traverse. Ozon magnifie la campagne française et imprègne son récit d’une nostalgie délicatement soutenue par une bande-son discrète et douce. L’interprétation d’Hélène Vincent donne corps aux fragilités et aux forces de son personnage, rendant son parcours bouleversant. Malgré une intrigue aux accents de thriller, le film se révèle être une œuvre douce et lumineuse, un récit familial empreint d’ambivalence. Il explore le poids de l’héritage familial et les blessures transgénérationnelles tout en laissant libre cours à nos émotions.

– Une critique de Tiffany Melin.

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> The Last Showgirl (Gia Coppola)
États-Unis
★★★

Malgré ses visuels floutés et rêveurs ainsi qu’une performance louable de l’iconique Pamela Anderson enfin de retour dans le cortège Hollywoodien, The Last Showgirl manque de substance pour former un tout cohésif. Gia Coppola initie une réflexion sur la spectacularisation des femmes dans l’univers de la danse burlesque et le vieillissement vilipendé dans un milieu où la beauté et la jeunesse sont synonymes de gloire, mais ne va pas jusqu’au bout de sa proposition. On ne ressent malheureusement pas l’authenticité que voudrait dégager les dialogues et les dynamiques entre les personnages. Il semble manquer des pièces du casse-tête scénaristique, qui ont été remplacées par des tirades existentielles répétitives et des montages contemplatifs qui sonnent faux. The Last Showgirl se perd à travers sa propre nuée de paillettes et de plumes, aux dépens de sa distribution solidement compétente.

– Une critique de Laurence Handfield.

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> Une langue universelle (Matthew Rankin)
Canada
★★★1/2

Ce récit quasi surréaliste retrace la rencontre insolite entre deux jeunes sœurs, un guide touristique et un Manitobain de retour dans son patelin afin de rendre visite à sa mère malade. À travers son espace-temps absurde et assumé, le film propose un hommage à la culture persane (la majorité du film étant tourné en farsi). Errant entre le beige et le gris, c’est dans un Winnipeg réinventé, tellement laid qu’il devient sophistiqué, que se déroule l’intrigue. L’amalgame entre une prémisse comique et un environnement aux infrastructures austères offre des plans mémorables. Avec son utilisation décalée du son et de l’image, l’œuvre se déploie dans une absurdité captivante.

– Une critique de Judith Mc Murray

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> I’m Still Here (Walter Salles)
Brésil, France
★★★3/4

Racontant intimement le drame de la famille Paiva dans un Brésil sous dictature, I’m Still Here montre la manière insidieuse et troublante avec laquelle le fascisme s’immisce, se faufile et empoisonne la démocratie jusqu’à s’infiltrer dans la vie privée sans considération pour les droits individuels et collectifs. Il s’agit d’une histoire sur le triomphe de la résilience et de la justice, mais aussi d’une célébration de la mémoire; que celle-ci vive en nous de manière intangible ou qu’elle soit imprimée sur des photographies ou encore des bobines de film. Bien que la structure en trois temporalités, familière à City of God, ajoute peut-être une couche qui n’était pas vitale au long-métrage, il est terrifiant de vivre celui-ci à travers la lentille d’une famille en pleine crise politique sans visibilité sur l’ensemble du conflit dans un système qui ne protège plus les citoyens. I’m Still Here est un rappel que l’accès à une information fiable, la liberté d’opinions et l’intégrité individuelle sont des artères de la démocratie.

– Une critique de Jimmy Marcoux.

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> Hard Truths (Mike Leigh)
Royaume-Uni, Espagne
★★★★

Le cinéaste britannique revient avec un film de mœurs qui met de l’avant deux sœurs aux antipodes : Pansy (Marianne Jean-Baptiste), envahit de colère et d’une immense détresse face au monde qui l’entoure, ainsi que Chantelle (Michele Austin) qui affiche une joie de vivre à l’endroit de son quotidien. La dichotomie entre les frangines est palpable. C’est ultimement une rencontre de famille qui déclenchera un effet en chaîne saisissant. Cette nouvelle collaboration entre Leigh et Jean-Baptiste (autrefois dans Secrets & Lies) porte fruit : l’interprétation des actrices est incroyablement réussie. Cette mise en image brute de la complexité des émotions humaines s’avère être sans aucun doute la plus grande maîtrise du réalisateur.

– Une critique de Judith Mc Murray.

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> Dévorer la nuit/Eat the Night (Caroline Poggi et Jonathan Vinel)
France
★1/2

Pour leur second film, le duo Caroline Poggi et Jonathan Vinel met en scène la relation d’un frère, Pablo, et d’une sœur, Apolline, liés par le jeu vidéo Darknoon. Leur quotidien est chamboulé à l’annonce de la fermeture de ses serveurs, alors qu’en parallèle Pablo rencontre un jeune homme qui deviendra le partenaire de ses trafics illégaux. Si l’histoire est prometteuse, le film ne parvient malheureusement pas à maintenir notre intérêt pendant toute sa longueur. Peut-être est-ce dû au quasi-abandon du personnage d’Apolline dont le film s’éloigne (trop). Bien que force de propositions artistiques, Dévorer la nuit est marqué par une image presque maladroite qui n’est pas à la hauteur des ambitions esthétiques des cinéastes. Toutefois, nous retiendrons la mise en avant d’enjeux queers en les présentant comme un non-sujet et en ne limitant pas la caractérisation des personnages à leur homosexualité, surtout dans un paysage cinématographique qui a tendance à réduire la communauté LGBTQIA+ à un « quota ».

– Une critique de Emma Gaillard-Lasne.

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> Queer (Luca Guadagnino)
Italie, États-Unis
★★

Interprétation absolument remarquable de Daniel Graig, qui nous offre un large registre allant de sexy charismatique à maladroit timide en passant par des moments de détresse profonde. En effet, malgré une esthétique colorée et douce de la part du réalisateur de Call me by your name, le film aborde les thèmes de la dépendance, de l’amour et de la dépendance à l’amour dans ce qu’elle a de malsain et destructeur. Par des gestes simples, par des ambiances, par des regards rapides, on saisit toute la complexité de la relation … et les attentes inaccessibles qui y sont rattachées. Tout cela avec une touche de surréalisme parfois difficile à saisir, mais hautement stimulant.

– Une critique de Clara Imbeau.

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> The Colors Within (Naoko Yamada)
Japon
★★★1/2

Naoko Yamada, réalisatrice de A Silent Voice et Liz et l’Oiseau Bleu, revient avec The Colors Within, un beau film qui, à l’image de ses prédécesseurs, accorde une attention particulière aux différences. Totsuko est synesthète et associe les gens à des couleurs. Elle fait la rencontre de Kimi, une élève de son école qui se fait renvoyer. Intriguée et fascinée par sa couleur, elle se met à sa recherche. Lorsqu’elles se retrouvent enfin, elles forment un groupe de musique avec Rui, un passionné de synthétiseurs analogiques. Le film met en lumière les difficultés de chacun à trouver sa place dans le monde tout en poursuivant ses passions. L’animation, particulièrement soignée, accentue les émotions des personnages, tandis que la bande-son est à la fois entraînante et harmonieuse. Si le film n’est pas révolutionnaire, il n’en demeure pas moins une œuvre qui fait passer un excellent moment et met indéniablement de bonne humeur.

– Une critique de Tiffany Melin.

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> Mickey 17 (Bong Joon Ho)
États-Unis, Corée du Sud
★★★★

Forcé à quitter la Terre pour échapper à ses dettes, Mickey (Robert Pattinson) est devenu un « remplaçable » dont le métier consiste… à mourir. Au service d’un politicien voulant coloniser une nouvelle planète, il est à chaque fois réimprimé lorsqu’il meurt en mission. Cette comédie de science-fiction est une critique (un peu trop) évidente de l’impérialisme et du totalitarisme, appuyée par le jeu de Mark Ruffalo qui n’est pas sans rappeler certaines mimiques d’hommes politiques. Si on peut lui reprocher d’être simpliste et peu profond, Mickey 17 n’en reste pas moins un de ces films où nous pouvons rire d’une caricature bien moins éloignée de notre réalité qu’il n’y paraît. Le cinéaste nous propose une expérience que l’on pourrait qualifier de cathartique, où tous les vices de la colonisation sont pointés du doigt, tout en développant une intrigue originale et prenante. De plus, si nous parlons de sa forme et non de son fond, Bong Joon Ho a su habilement retranscrire l’esthétique qui lui est particulière dans un métrage s’approchant plus du blockbuster que du film de genre.

– Une critique de Emma Gaillard-Lasne.

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> Grand Tour (Miguel Gomes)
Portugal, France, Italie
★★★★

Grand Tour, sélectionné à Cannes en 2024 et primé pour sa mise en scène, débarque sur les plateformes de visionnement, dont MUBI. Un film audacieux qui séduira les passionnés de cinéma classique et les amateurs de références cinéphiles. On suit Edward, qui, pris de panique, abandonne sa fiancée et s’enfuit à travers l’Asie. Mais Molly ne compte pas le laisser filer si facilement. Ce périple se transforme en une rêverie envoûtante et troublante, portée par la mise en scène inspirée de Miguel Gomes. Le cinéaste joue avec les contrastes : couleurs et noir et blanc, fiction et documentaire s’entrelacent habilement. Présenté comme une comédie romantique, Grand Tour s’aventure pourtant davantage du côté du drame, malgré un humour acéré qui le traverse de bout en bout. Son rythme contemplatif pourrait perdre une partie du public au fil des deux heures de projection. Mais le voyage vaut le détour : le film capte avec une approche quasi documentaire des paysages asiatiques rarement célébrés à l’écran. (Trop ?) Riche en partis pris esthétiques et narratifs, il fascinera autant qu’il divisera, laissant certains spectateurs sur le quai.

– Une critique de Tiffany Melin.

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