Québec, 2018.
Note: ★★★ 1/2
Avec Mad Dog Labine, Jonathan Beaulieu-Cyr et Renaud Lessard ont d’abord et avant tout réalisé un film sur un territoire, le Pontiac. La région est au cœur de ce premier film. C’est clair d’entrée de jeu alors que, rouge sur noir, on nous annonce que le film a été tourné dans la région en nous présentant même la liste de toutes les municipalités qui la composent.
Le Pontiac – région méconnue, oubliée, marquée par la crise de l’industrie forestière et la décroissance démographique – nous est d’abord racontée par Pascal Beaulieu, un jeune adolescent du coin à la parlure colorée, avec une lucidité aussi désarmante qu’hilarante. D’un charme irrésistible, les segments le mettant en scène reviendront à quelques reprises dans le film.
Le Pontiac nous est ensuite montré de façon documentaire par les cinéastes. Caméra à l’épaule, évoquant le cinéma direct des années 1970, ils s’adressent aux jeunes de la région et nous font découvrir l’engouement pour la chasse qui fait battre le cœur de tous ses résidents. Leur caméra, curieuse, attentive, n’« exotise » pas la région aux coutumes pourtant fascinantes, mais la découvre avec nous, avec respect.
Enfin, on plonge dans une histoire de fiction dans laquelle deux adolescentes gagnent 10 000 $ grâce à un billet de loterie acheté illégalement et doivent trouver un moyen d’encaisser le montant.
On entre alors dans un récit sur l’ennui et la solitude vécus en région. S’opposent l’appartenance au territoire de l’une, qui désire même, du haut de ses 13 ans, s’acheter un terrain dans le cimetière de la petite ville et le désir de changement de l’autre, symbolisé par un voyage imminent. Des thématiques profondément ancrées dans l’imaginaire du cinéma québécois des dernières années qui nous ramènent finalement à un scénario assez convenu.
Si le scénario ne se distingue pas particulièrement, il permet à ses comédiennes de briller. Les deux jeunes non-professionnelles Ève-Marie Martin et Zoé Audet offrent des performances drôles, touchantes et surtout très naturelles. Élément surprenant et divertissant, les cinéastes amènent ces deux jeunes filles de la région à côtoyer plusieurs comédiens professionnels connus dont Emmanuel Bilodeau, Sébastien Ricard, Barbara Ulrich, Sarianne Cormier, la distribution entière de l’émission Le chalet, ainsi que Julien Poulin qui prête sa voix à un animateur d’une émission de radio de chasse et pêche. C’est pourtant l’actrice Charlotte Aubin, en adoptant la parlure de la région dans le rôle désopilant d’une caissière de dépanneur blasée, qui se distingue et impressionne le plus.
Cette distribution atypique des rôles est à l’image du film qui, malgré son histoire banale, se révèle d’une grande originalité. Une énergie brute, rebelle s’en dégage, autant à travers le personnage de la plus jeune des protagonistes que par l’esprit et l’existence même du film. Et c’est ce qui en fait tout le charme. Approche décomplexée, démarche exploratoire, on sent un véritable plaisir dans le travail de ses créateurs. Plaisir qui se transmet à l’écran et directement aux spectateurs. Le résultat est éminemment sympathique.
Durée: 1h25