Les nôtres: Pas dans ma cour

Québec, 2020
Note: ★★★1/2

Après sa performance remarquée dans Une colonie l’an dernier, la jeune Émilie Bierre captive et crève l’écran une fois de plus dans Les nôtres, le plus récent film de la réalisatrice Jeanne Leblanc. Son jeu, tout en retenue comme dans le film de Geneviève Dulude-De Celles, traduit une intériorité complexe, cette fois marquée par un lourd secret, que la jeune interprète rend de manière très juste.

Magalie, le personnage qu’interprète Émilie Bierre, est enceinte à 13 ans, engrossée par un homme dont elle refuse de révéler l’identité. Ce secret chamboule toute la petite municipalité bourgeoise où elle demeure, déjà marquée par le souvenir d’un accident de travail ayant coûté la vie du père de Magalie et d’autres de ses collègues. Les habitants se réconfortent en soupçonnant un ami de la jeune fille, d’origine mexicaine, puisque ce ne pourrait quand même pas être l’un d’eux qui serait responsable d’une telle situation…

Comme il était déjà possible de le constater dans le précédent long-métrage de la réalisatrice, Isla Blanca, qui racontait l’histoire d’une jeune adulte de retour dans sa maison familiale après être disparue de nombreuses années auparavant, Jeanne Leblanc aime alimenter le mystère et le malaise. À cet effet, sa réalisation est absolument anxiogène, faisant régner une atmosphère de lourdeur, qui participe à l’effet troublant du film. Paradoxalement, cet effet étouffant s’inscrit dans une esthétique généreuse en très belles images.

Alors que la caméra de Leblanc était d’une proximité extrême dans Isla Blanca, elle s’éloigne parfois de ses personnages dans Les nôtres. Comme si la réalisatrice élargissait son univers et ses ambitions en traitant du drame d’un individu mais aussi de ses répercussions sur la collectivité. Ainsi dans ses plans plus larges, plusieurs éléments viennent s’ajouter, introduisant des détails à l’arrière-plan qui contribuent à étaler l’envergure de la toxicité de cet univers.

De manière audacieuse, Leblanc et sa coscénariste Judith Baribeau abordent des sujets controversés et tristement d’actualité tels que les abus sexuels, les abus de pouvoirs, la solidarité hypocrite, la méfiance de l’étranger et le racisme ordinaire. Certains de ces thèmes sont abordés avec plus de subtilité et de justesse que d’autres. Les enjeux d’abus sexuel sont explorés avec davantage de finesse que ceux liés au racisme notamment, insérés de manière plus facile.

À l’instar de la jeune Émilie Bierre, les autres interprètes participent à la véracité du film. Marianne Farley capture bien la détresse et la frustration de la mère qui n’arrive pas à comprendre sa fille. Judith Baribeau joue tout en vulnérabilité le rôle de la femme délaissée par son mari et qui refuse la condamnation de son fils adoptif par un tribunal populaire. Paul Doucet s’acquitte également avec brio d’un rôle très difficile.

Ces puissantes interprétations font oublier quelques invraisemblances dans le scénario par ailleurs tout en sobriété qui évite de prendre le chemin facile pour emprunter des routes plus inconfortables qui confrontent le spectateur et le mènent à de douloureuses réflexions sur nos responsabilités.  

Durée: 1h43

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