Une colonie : L’âge des premières fois

Québec, 2018.
Note: ★★★ 1/2

Très présent dans l’univers cinématographique, le récit initiatique du passage de l’enfance à l’adolescence ou de l’adolescence à l’âge adulte est un genre qui doit se réinventer s’il veut continuer à intéresser.

Dans Une colonie, la réalisatrice Geneviève Dulude-Decelles poursuit son portrait de l’inconfort de l’adolescence entamé dans son précédent film, le documentaire Bienvenue à F.L (2015). Avec ce premier long-métrage de fiction, elle signe un récit initiatique centré sur une jeune fille timide quittant sa campagne natale pour entrer à l’école secondaire dans la ville voisine. Influence des pairs, premier amour, premier party, première brosse, nouvelles amitiés, première expérience sexuelle gênante… la réalisatrice présente presque toutes les étapes indissociables du genre. Passage obligé ? Comme si cette initiation à l’adolescence est équivalente à celle que la cinéaste doit vivre en signant une première œuvre de fiction.

Sans transcender le genre, le traitement sensible et naturel que la cinéaste apporte à son histoire et à sa protagoniste lui confère un charme indéniable et lui permet de justifier son existence dans la marée de films de la même catégorie.

Une grande sensibilité émane du travail de la réalisatrice. Visiblement attachée à l’humain, elle transmet l’amour, le respect qu’elle porte pour Mylia, son héroïne. Sa caméra, vivante, est extrêmement proche de son héroïne, la frôlant parfois. En ressortent tout l’inconfort et la fragilité de la jeune fille. Et pour incarner ce rôle à fleur de peau, la jeune comédienne Émilie Bierre est superbe. De la sobriété de sa performance se dégagent de manière touchante toute la fébrilité et la vulnérabilité de son personnage.

Tournées en plan-séquence puis coupées au montage, les scènes sont toutes vibrantes de naturel, d’autant plus que les comédiens secondaires n’ont pour la plupart aucune expérience devant la caméra et se permettent quelques lignes improvisées.

Avec une lumière douce, des cadrages maîtrisés et une caméra inventive en harmonie avec les états d’âme de la protagoniste, Dulude-Decelles nous transporte dans ce coin de pays des alentours de Sorel-Tracy, d’où elle provient elle-même, et arrive à créer une certaine immersion. On se sent loin, hors du temps, hors du monde réel, avec seulement quelques indices, tels un IPhone ou un chandail Nike appartenant à la fille cool de l’école, pour nous rappeler la réalité, celle dans laquelle la jeune Mylia ne semble pas arriver à s’inclure.

Colonelle films

Dulude-Decelles nous rappelle que le besoin de s’intégrer, à cet âge, est associé à une forte pression. À cet égard, le film a principalement son mot à dire sur la féminité et les pressions qui y sont reliées alors que les « amies » de Mylia l’incitent à se maquiller, à s’habiller sexy et à frencher des garçons, malgré son malaise évident devant ces perspectives.

Ces influences féminines adolescentes sont mises en opposition avec les autres influences plus positives dans la vie de Mylia, des personnages n’étant pas pris dans ce tourbillon de l’adolescence. Il y a d’abord la tante plus vieille et cool qui écoute de la musique rock. Plus encore, il y a ce jeune garçon autochtone solitaire et marginal pour qui Mylia développe des sentiments. Enfin, il y a sa plus jeune sœur bouffonne et allumée. Celle-ci crève complètement l’écran grâce à une performance hilarante et empreinte de naturel de la jeune actrice Irlande Côté.

Présenté façon un brin naïve, mais mignonne, et surtout en concordance avec l’âge du personnage, Une colonie apparaît comme un plaidoyer pour la différence, prônant la simple et belle idée de faire ce que l’on veut plutôt que ce que l’on attend de nous. Il apparaît également comme la naissance d’une cinéaste en train de réellement se construire une identité.

Durée: 1h42

Ce film a été vu dans le cadre du Festival de cinéma de la ville de Québec 2018.

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