APAPACHO, UNE CARESSE POUR L’ÂME : LES DOUCES EFFLUVES DU DÉPAYSEMENT

Québec, Mexique, 2019
Note : ★★★

La réalisatrice, productrice et scénariste québécoise Marquise Lepage (Le jardin oublié, Des marelles et des petites filles) signe le long-métrage de fiction Apapacho, une caresse pour l’âme. La cinéaste de 60 ans s’est frottée au documentaire comme au long-métrage à maintes reprises durant sa carrière, et livre ici un film aux thématiques puissantes. Le récit présente le voyage de deux sœurs, Karine (Laurence Leboeuf) et Estelle (Fanny Mallette), endeuillées par la perte de leur sœur. Les deux femmes se rendent à Cuicatlán, au Mexique, et leur périple les amène à vivre l’expérience des célébrations organisées par les habitants de la région, célébrations ayant pour but d’honorer la mémoire des morts tout en fêtant la vie qui continue avec le souvenir de ces êtres chers. Karine, jeune artiste peintre lumineuse au regard pleinement ouvert sur le monde, passionnée, embrasse cette nouveauté alors qu’Estelle, plus aigrie et fermée, apprend tranquillement à se laisser déstabiliser par la poésie de l’inconnu.

Fanny Malette dans Apapacho, une caresse pour l’âme

Il s’agit d’une magnifique représentation à la fois individuelle et collective de la richesse des liens qui soudent les êtres humains, et de l’importance de ces liens lors des coups durs que peut porter l’existence. Le film regarde vers le passé, vers le présent et vers le futur, sans prétention, et porte en lui la lumière grandiose des rencontres émouvantes, des découvertes qui font bifurquer la trajectoire de nos vies vers de nouveaux horizons plein d’espoir, sans fuir le passé et les épreuves qui l’ont marqué : il s’agit plutôt de porter ces marques et de se fortifier avec elles, de laisser cheminer cette fragilité en soi pour que le soi tende à un nouvel équilibre. Cette idée de réconciliation se savoure à travers la remémoration et la beauté de la culture que les deux sœurs découvrent, de ses traditions, des petits et grands gestes que les humains posent en ayant un regard bienveillant sur le monde et le passage du temps, étreignant leurs souvenirs de tout l’amour qu’ils portent.

Laurence Leboeuf et Sofia Espinosa dans Apapacho, une caresse pour l’âme

Si Marquise Lepage nous offre un long-métrage lumineux, sensible et teinté d’humour, elle choisit aussi de présenter une noirceur immanente – celle de la véracité avec laquelle le film confronte les maux qui affligeaient la défunte sœur de son vivant. Ces moments sont prenants, voire émotionnellement violents, et les vidéos de la jeune femme – ou autres souvenirs ou secrets de famille – sonnent quelques fois comme une brisure au sein d’une très belle œuvre où le choc de la rencontre d’une culture nouvelle dégage une importante poésie, poésie engendrée par la puissante sagesse des habitants, de leurs passions, de cet amour infini et éternel qui les unissent à leurs disparus. Et cette caresse pour l’âme, cette Apapacho, aurait gagné à ne pas se laisser entrecouper de ces bribes du passé. Cette idée de caresse pour l’âme, précisément, est maladroitement traînée dans ces moments véritablement effrayants, ce qui vient effriter cette odyssée de guérison, de confrontation latente avec les peurs des personnages que nous voyons évoluer à l’écran. Mais ce long-métrage est une œuvre qui semble très personnelle où la réalisatrice avait possiblement ce désir de parsemer son film de ces moments forts et touchants où les deux sœurs se retrouvent en quelque sorte grandies, prêtes à fouiller le passé pour entamer un nouveau chapitre, et ce, en ayant réexploré le lien qui les unit depuis toujours.

Durée: 1h29

Ce film a été vu dans le cadre des Rendez-vous Québec Cinéma 2020.

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