Etats-Unis, 2015
Note: ★★ 1/2
Neuvième long métrage de David O.Russell, Joy raconte l’ascension d’une mère célibataire qui aspire à devenir célèbre grâce à ses inventions sensées améliorer le quotidien des ménages américains. Cette femme, c’est Joy Mangano, qui donne son nom au film, prêtant ses traits de caractère et son histoire au visage de Jennifer Lawrence, d’une belle intensité dramatique. Dépositaire d’une centaine de brevets, elle est surtout connue pour avoir inventé la magic mop, une serpillière auto-essorante qui se lave en machine, et le huggable hanger, un support qui, muni d’un tissu, prévient la chute éventuelle sur le sol. S’étant imposée, notamment grâce à sa détermination et son sens de l’innovation, Joy devient dès lors une icône incontournable dans le paysage du télé-achat.
Dans le film, elle a une famille dysfonctionnelle à charge (le mot est faible) qui comprend deux enfants, un ex-mari envahissant, rêveur illusoire, une mère accroc aux feuilletons à l’eau de rose (Virginia Madsen), un père briseur de rêves et opportuniste (Robert De Niro) ainsi qu’une demi-sœur d’une jalousie pathologique. Le quotidien de Joy c’est aussi payer l’hypothèque, conserver un boulot ou réparer jusqu’à la plomberie de la maisonnée suite aux négligences des siens.
Joy a du chien mais n’aime pas qu’on lui donne des ordres.
Tout le monde compte sur elle sans se soucier de ses besoins, ses propres rêves étant enfouis sous le poids de journées éreintantes. Malgré son mutisme parfois abscons, elle restera comme le roseau, flexible aux aléas de la vie, pour mieux leur résister et tenir debout. C’est dans cette existence tumultueuse qu’elle concevra son invention phare, la fameuse serpillière magique, symbole d’une réussite à laquelle les ménagères s’identifient, plusieurs connaissant les mêmes journées harassantes et sans espoir. Joy ne trouvera du soutien qu’auprès de sa meilleure amie et surtout de sa grand-mère, la narratrice du film, qui l’encourage depuis toujours. Pour mieux rendre compte du caractère atypique du personnage et de son talent inné, c’est dans son enfance que l’on va rapidement être plongé à coups de flash-back insufflant du rythme à l’intrigue. On y suit son parcours, forcément semé d’embûches, mais dénué de surprises… tout comme le dénouement du film. D’ailleurs, tout est montré dans la bande annonce. Les meilleurs plans s’y retrouvent faisant l’éloge du directeur photo, le tout appuyé par une bande son convenue mais néanmoins efficace. C’est bien là le défaut majeur du film, une consensualité à outrance qui peut exaspérer le spectateur ayant vu à maintes reprises ce traitement-là.
Le réalisateur va exactement là où on l’attend, sans vraiment décevoir mais sans non plus nous surprendre.
Fort du succès rencontré par ses 3 derniers films, il semblerait que sa fibre artistique se soit altérée avec le temps. Exit les plans audacieux et inventifs d’I heart Huckabees qui pouvaient intriguer, voire dérouter. En rendant ses œuvres plus accessibles (et par là même admissibles aux Oscars), David O.Russel s’est certes adjoint un public plus large, mais au détriment d’un cinéma authentique et novateur : un scénario factice, prétexte au déploiement de bons sentiments à l’américaine avec une morale parfois douteuse. On peut se demander si, pour un metteur en scène, le comble ne consiste pas à vouloir montrer l’audace d’une femme qui veut à tout prix réussir, et en manquer cruellement dans la réalisation d’un film prévisible du début è la fin.
Certes, le réalisateur, qui n’a pas perdu de son mordant pour diriger ses acteurs, leur offre en famille de beaux morceaux de bravoure occultant notamment la prestation désolante d’Isabella Rosselini qui cabotine dans un personnage grossier. Doué pour assortir des acteurs aux bagages culturels et aux expériences professionnelles des plus variées, c’est dans cette masse que le metteur en scène arrive à créer une certaine forme d’homogénéité, rassemblant pour la troisième fois consécutive Bradley Cooper (dans un second rôle) et Jennifer Lawrence qui porte sur les épaules un pan entier du rêve américain. On lui reconnaît également un certain talent pour les reconstitutions d’époques auxquelles il accorde un souci constant du détail pour les costumes et les décors.
Adapté d’une histoire vraie, Joy n’en reste pas moins un biopic d’un conformisme ennuyeux. Il deviendra attachant seulement si l’on fait fi des effets appuyés, en se laissant porter par un ensemble ficelé avec des artifices qui cachent un manque de personnalité. Dommage!
Durée: 2h04