États-Unis, 2019
Note : ★★★★
La célèbre Olivia Wilde dépose ses masques d’actrice et manie la caméra pour une première réalisation de long métrage. Booksmart est une comédie, une coming of age story comme les États-Unis nous offrent chaque année, mais s’avère plus intelligente que la moyenne. Bien plus intelligente que la moyenne.

Molly (la brillantissime Beanie Feldstein) et Amy (la plus-que-charmante Kaitlyn Dever) sont deux meilleures amies n’ayant jamais vécu les fêtes adolescentes, préférant se plonger constamment dans leurs livres. En réalisant, lors de l’ultime journée de leur High school, qu’elles auraient pu être admises dans les grandes universités américaines ET connaître la débauche durant toutes ces années, elles décident de se rendre à LA fête de l’année avant la journée de leur graduation. S’y rendre sera davantage un pèlerinage, une suite de péripéties comiques, culminant à quelques prises de conscience sur leur vie.
Le rythme est vivant, les dialogues déferlent, le montage est rapide. Si la prémisse a été mainte et mainte fois mise en scène et racontée au cinéma, Olivia Wilde, réalisatrice, insuffle une intelligence à la réalisation classique du genre qu’elle exploite. L’intelligence y est détectable sur plusieurs points.

Le scénario ne prend jamais ses personnages pour des êtres humains unidimensionnels. À travers la caméra de Wilde elles sont magnifiées, ridiculisées, prises au sérieux, mais surtout respectées. Le même traitement est offert aux personnages secondaires. Les typiques méchants ont leur complexité qui se révèle de manière naturelle; tout élément superficiel n’est que première impression. L’intelligence du scénario a été d’offrir à tous les personnages secondaires deux scènes, une les installant dans un rôle que demande le genre (méchant, professeur cool, directeur d’école, adolescent niais, adolescente amère, etc.) et une seconde leur rendant, sans paraître superficiel, toute leur complexité humaine. Olivia Wilde le fait toujours en changeant leur registre (du professionnel au plus décontracté ou d’une attitude exécrable à une douce confession humaine), changeant par le fait même leur rôle scénaristique initial. Et la brochette d’acteurs et actrices est impressionnante : Lisa Kudrow, Will Forte, Jason Sudeikis, Noah Galvin, Billie Lourde, Jessica Williams et Skyler Gisondo.

Qui dit comédie pour adolescent, dit bien sûr musique populaire. Et Booksmart ne déçoit pas. L’équipe musicale ayant à sa tête Bryan Ling (superviseur) et Dan the Automator (musique originale) offre au spectateur une des meilleures bandes sonores des dernières années (depuis American Honey (2016) de Andrea Arnold). Olivia Wilde maîtrise la ponctuation de son film par les pièces musicales. De Lykke Li, Anderson .Paak, Santigold, LCD Soundsystem, Run the Jewels aux classiques Parliament (Give Up the Funk) ou Salt-N-Peppa (Push It). Une scène de karaoké sur You Oughta Know de Alanis Morissette atteint particulièrement la bonne note.

Wilde démontre qu’elle est capable de créer des scènes d’une beauté visuelle tout en y insérant une valeur émotionnelle faisant écho à la réalité que vit son personnage. La scène où Amy nage sous l’eau sur la pièce Slip Away de Perfume Genius marquera les spectateurs. D’autant plus qu’elle est suivie d’une séquence dramatique formellement maîtrisée; une montée dramatique en plan séquence. Booksmart est avant tout une comédie. Et Beanie Feldstein se dévoile en être une reine. Impossible de résister à son talent comique. Elle est divertissante, charmante, expressive. Il est difficile de croire qu’il s’agit de son premier premier rôle au cinéma. Elle avait auparavant interprété un rôle de soutien dans Lady Bird de Greta Gerwig. Plus en retenu, Kaitlyn Dever s’avère être la partenaire idéale pour balancer l’humour plus expressif de Feldstein. Son talent comique permet de briller alors que nous l’avons surtout connue pour des rôles dramatiques (Beautiful Boy (2018) de Felix van Groeningen, The Front Runner (2018) et Men, Women & Children (2014) de Jason Reitman, Detroit (2017) de Kathryn Bigelow). Olivia Wilde dirige les deux actrices dans un sans faute.

Le genre comique brille de plein feu, Booksmart nous offrant quelques-unes des meilleures scènes de comédie de l’année. Wilde nous démontre qu’elle maîtrise le genre à travers quelques scènes. Elle sait faire pleurer de rire même si l’aspect comique est prévisible et la réalisation est à son moins flamboyant (en voiture avec Jason Sudeikis). Elle s’amuse avec quelques plans de caméra pour une scène hilarante (discussion sur la masturbation). Elle sait tirer avantage du comique physique de ses actrices (plusieurs scènes, et ce, dès la seconde scène du film). Elle se permet même de changer de technique pour insérer une séquence en stop motion. Cette dernière, pourrait agir en tant que scène emblématique pour démontrer l’intelligence à la fois du scénario et de la réalisation : une scène clichée de consommation de drogue se transforme en une séquence transmettant un propos socialement essentiel, certes déjà entendu, mais Booksmart le fait tout en étant hilarant. Wilde et ses scénaristes (Susanna Fogel, Emily Halpern, Sarah Haskins et Katie Silberman) ont pris un code du genre, devenu cliché, y ont inscrit un message important, et l’ont transformé en une excellente scène de comédie qu’il est difficile d’oublier.

Olivia Wilde sait en offrir suffisamment pour transmettre à son spectateur ce qu’elle veut. Dans un genre cinématographique, la comédie, où l’excès est trop souvent utilisé, Wilde a fait preuve d’intelligence sur toute la ligne. Booksmart s’avère être LA comédie de l’été. En plus d’en être une intelligente et féministe. Quoi demander de mieux?
Bande annonce originale :
Durée : 1h42