Pédalo – Le film qui aurait pu rester du théâtre d’été

Québec, 2025

Il faut saluer l’audace et le travail des équipes de production cinématographiques indépendantes parvenant à financer des entreprises aussi coûteuses qu’un long-métrage de fiction sans avoir recours au parcours traditionnel des programmes de subventions. Quelques-uns de ces projets se hissent jusqu’aux salles de cinéma, pouvant s’octroyer un peu de visibilité bien méritée.  Cependant, certains films tels que Pédalo auraient pu se permettre de demeurer un petit rêve un peu fou de leur créateur, s’évitant ainsi la honte d’une sortie publique.  

Le long-métrage écrit et réalisé par Stéphane E. Roy (9, Le cas Roberge) tire son origine d’un spectacle mis en scène par l’artiste portant également le chapeau de dramaturge. L’intrigue, qui  consiste en la mésaventure de deux hommes dans la cinquantaine (Stéphane E. Roy et Marc Fournier), partant seuls en pédalo afin de fuir leurs conjointes durant des vacances en tout inclus, semble parfaite dans le contexte d’un théâtre d’été. Il s’agit d’une situation en huis-clos  un peu loufoque, propice au conflit et aux crises, promettant un bon moment humoristique à son public. Et, à cet effet, la production d’origine fut un succès, incitant le créateur à porter son histoire au grand écran.  

Ainsi, la version cinématographique de Pédalo se veut une intrigue remaniée et complexifiée  afin de lui donner assez de chair pour la durée d’un long-métrage. Deux personnages féminins  (Camille Felton et Catherine Proulx-Lemay, font leur possible avec le piètre scénario qu’elles ont entre leurs mains) ont été rajoutés à l’intrigue, qui en demeure pourtant aussi  unidimensionnelle et simpliste qu’auparavant. C’est qu’au-delà de sa prémisse, le film se perd dans des dialogues extrêmement brouillons, des blagues datant d’une autre époque et des détours scénaristiques n’ayant ni queue, ni tête. 

Chaque personnage du film pourrait être décrit en une seule phrase, et celle-ci ne serait jamais  des plus avantageuses. Déjà, Pédalo ouvre avec son protagoniste, un homme dans la  cinquantaine séduisant maladroitement une jeune femme de 25 ans. Comble de l’absurde, celle ci accepte de le suivre dans un voyage après trois phrases aussi mal incarnées qu’écrites. Et c’est  le début du cauchemar, tant pour les personnages que pour les spectateurs qui comprendront  rapidement dans quel pétrin ils se sont lancés malgré eux.  

Il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent pendant le film, mis-à-part l’aventure en haute mer un peu délirante que vivront les deux hommes lors de leur voyage, entre deux placements de produits sans subtilité. Les deux personnages ajoutés au scénario ne servent visiblement qu’à espacer les séquences de dialogues des messieurs dans le pédalo, alors que les femmes passent la majorité de leur temps à se comparer physiquement et se questionner sur l’attirance qu’elles  exercent auprès du sexe opposé. Ce faisant, les deux couples en voyage accumuleront les histoires d’adultère et les intrigues de couchette, qui feraient peut-être glousser le public dans un théâtre d’été, mais qui ne font que souligner un malaise déjà présent dans le format du long métrage.  

On se questionnera également à-propos des éléments techniques du film, pour la plupart imparfaits. Les figurants ne sont pas à l’aise, la colorisation se modifie régulièrement au cœur d’une même scène, les cadrages ne sont pas avantageux… Il est vrai qu’un manque de  financement peut excuser des failles mineures, mais les problèmes de Pédalo vont malheureusement au-delà d’un problème budgétaire. Le film semble réalisé à la va-vite, dans le même esprit que sa scénarisation.  

Il est toujours encourageant de constater qu’une équipe créative parvient à contourner les écueils du financement de la culture, qui se veut malheureusement assez déficient et difficile d’accès. Mais Pédalo, malgré toutes ses bonnes intentions, n’atteint simplement pas la qualité minimale de production souhaitée pour être pris au sérieux. Espérons que les personnes impliquées étaient munies d’un bon gilet de flottaison avant de se lancer dans ce naufrage.

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Durée : 1h39                                                                                                                                                                                           Crédits photo : Les Films Opale

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