L’auteur attitré de Danny Boyle, Alex Garland, divise notre rédaction avec Ex-Machina ♥♥♥♥/♥½
Afin de tester une nouvelle forme d’intelligence artificielle, Caleb est convié pendant une semaine à la résidence sophistiquée et reculée du scientifique Nathan. Il fait la connaissance d’Ava, un robot révolutionnaire. Cette entité semble posséder une conscience humaine et elle sidère complètement Caleb. Le jeune homme la met à l’épreuve en lui posant des questions de plus en plus ardues, étant incapable de trouver une faille dans son système. Au fil des rencontres, Caleb commence à voir Ava différemment, surtout depuis qu’elle lui confie les mauvais traitements que lui fait subir Nathan.
POUR ♥♥♥♥ Difficile de parler du premier film d’Alex Garland sans évoquer le travail du réalisateur anglais Danny Boyle qui a adapté trois de ses romans dont le premier et le plus connu reste La plage sorti en 2000. L’auteur qui a lui-même signé les scénarios pour le passage au grand écran, a, au fil du temps, développé des thématiques semblables aux siennes abordant entre autre la déshumanisation.
Dans ce premier essai, on suit le personnage de Caleb, un jeune programmateur sélectionné par son chef Nathan (Oscar Isaac vu dans Inside Llewyn Davis et l’excellent A Most Violent Year) pour effectuer une série de tests sur un robot prénommé Ava. Le but est d’évaluer la capacité de celui-ci à imiter l’intelligence humaine, à en comprendre son langage et à en reproduire des conversations. Ces tests se basent sur le travail d’Alan Turing qui soulevait la question de la légitimité d’une machine à penser réellement. Ici, nous sommes dans une histoire de fascination, d’attachement de l’homme à la machine qui est animé par le désir de dominer son semblable. C’est une référence à Sunshine, du même auteur, où le soleil a un côté divin de par l’attraction et le danger qu’il représente. Le fait que l’homme cherche à le rallumer est d’ailleurs un symbole fort. Il se prend pour Dieu, cherche à prendre le contrôle et court alors à sa perte.
Ce qui est formidable, c’est la rigueur avec laquelle le réalisateur s’est appliqué à soigner le fond comme la forme. Si Ex-machina est un film doté d’une esthétique glaciale irréprochable, c’est pour mieux appuyer son propos. Jouant beaucoup sur le cadrage, les jeux d’ombres et de lumière ainsi que les reflets de miroirs évoquent l’isolement des personnages évoluant dans un espace aseptisé où chaque chose a sa place et où toute forme de vie semble avoir disparue. Involontairement, l’homme se crée un univers carcéral où il s’est lui-même enfermé. L’ennemi ne vient pas de l’extérieur. En chacun de nous réside un côté sombre et il suffit de créer une situation de huit-clos pour que nos pires instincts bestiaux se réveillent.
Un film plein d’audace apportant une profonde réflexion
A l’instar du Colonel Kurtz dans 28 jours plus tard (toujours de Garland), Nathan est un personnage plein de perversion qui devra lutter, non pas contre un virus ou un robot, mais contre les membres de sa propre espèce. Jour après jour, il agit par habitude, à l’instar d’un robot mécanique alors qu’Ava, au contraire, s’humanise comme en témoigne ce plan où elle choisit des morceaux de peau pour se construire un nouveau corps. L’utilisation du split-screen ne fait alors que renforcer la dualité Homme/robot et installe ainsi une atmosphère pesante où seuls quelques rares moments décalés plein d’audace voire d’humour (scène de la danse) viendront comme reposer le spectateur dans un univers ou la tension reste omniprésente. De fait, le réalisateur n’a de cesse de nous montrer la nature avoisinante. C’est une végétation luxuriante sans civilisation, presque vierge. Petits moments de pause. L’homme est un loup pour l’homme, à l’image de ce cadrage resserré sur le jeune Caleb qui apparaît telle une proie engloutie par cette nature, sa propre nature.
Avec ce premier essai, Alex Garland prouve au-delà de ses talents d’auteur qu’il est aussi capable d’avoir une vraie écriture cinématographique. Ex-machina apparaît alors comme une belle prémisse à une filmographie que l’on espère aussi éclectique et florissante que celle de son mentor Danny Boyle.
Auteur : Alexandre Blasquez
Un film trop parfait pour être vrai
CONTRE ♥½ : Quel hermétisme se dégage de ce premier film ! Certes, faire de la science-fiction ne rime en général pas avec naturalisme, mais dès les premiers pas du héros dans cette maison aux formes et au design parfait, on ressent un petit malaise en tant que spectateur. Pas un malaise dû à la tension du film mais au manque de crédibilité de la situation : Une maison tellement parfaitement rangé et soignée que personne n’y vit dedans. Le rapprochement entre la nature et la modernité crée comme une sorte d’opposition assez gênante. A l’instar de la fin de The Beach, le spectateur est exclu de l’intrigue à cause d’une forme trop étudiée, trop recherché, techniquement parfaite.
Ce n’est donc pas le fonds et le propos qui, selon moi, créent un filtre avec le spectateur mais bien sa forme, à l’instar de bien des films trop parfaits pour créer une empathie.
D’ailleurs il semblerait que tout le travail ait été uniquement placé sur la direction artistique et la direction photo tant le scénario est convenu. Certes, les acteurs font plutôt bien le boulot, mais contrairement à Under the Skin qui mêlait subtilement fiction et réalité, Ex-Machina ne devrait pas rester bien longtemps dans les mémoires…
Auteur: Syril Tiar