Cinéma Public : Nouveau cinéma et projections extérieures

Cinéma Public présentera une série de projections extérieures, presque exclusivement de films québécois, dans la cour intérieure du centre d’art Le Livart, du 22 juin au 13 août. Cette initiative se présente comme une opportunité d’en apprendre davantage sur la nouvelle organisation montréalaise, alors qu’ils mettent en place leurs premiers événements en personne, après quelques mois de cinéma en ligne, suivant un lancement en pleine pandémie.

Voici un condensé de mon entretien avec Roxanne Sayegh et Aude Renaud-Lorrain, les deux cofondatrices. Elles m’ont parlé de la genèse de leur projet, de ce qui nous attend au Livart cet été, et de leur ambition d’ouvrir un cinéma de quartier à Montréal.

Roxanne Sayegh et Aude Renaud-Lorrain, cofondatrices de Cinéma Public. Crédit photo : Emily Gan

Olivier Du Ruisseau : Comment est né Cinéma Public et cette première série d’événements en personne pour vous, et comment s’inscrit-elle dans votre mission, dans vos objectifs pour les prochaines années?

Roxanne Sayegh : Je suis cofondatrice Cinéma Moderne, et Aude s’est joint à notre équipe il y a quelques années. Nous traversons, en ce moment, un important vent de changement, autant sur les plans personnels, professionnels, que culturels. Nous nous sommes demandé comment une organisation comme la nôtre, qui œuvre à rendre accessible du cinéma d’art et essai à Montréal, peut se transformer, assurer davantage de mobilité au cinéma, bonifier les expériences de projections. C’est dans ce contexte, et pour travailler sur ces objectifs, que nous avons lancé Cinéma Public. Après avoir implanté notre plateforme de films en ligne, nous attendions un certain déconfinement pour lancer de premiers événements en personne. L’idée des projections extérieures, cet été, s’est presque imposée d’elle-même.

Aude Renaud-Lorrain : Une partie importante de notre travail consiste à miser sur la médiation culturelle, sur des rencontres entre le cinéma et le public. Nous travaillons dans des écoles, par exemple, avec différents groupes d’âge, en amenant des jeunes au cinéma. Puis, la collaboration avec Le Livart a été très naturelle, alors que le centre voulait justement organiser des projections de films et que nous partagions une vision similaire. Nous ne fermons d’ailleurs pas la porte à de prochains événements avec eux.

RS : On pense qu’on offre une expérience unique au Livart, à la belle étoile, assis confortablement, avec 25 personnes à l’air libre, et en rencontrant les équipes des films. Ce genre d’événement est vraiment à l’image de ce que nous voulons continuer à faire dans le futur. Nous ne voulons pas non plus nous fixer une forme fixe, nous voulons continuer à proposer des projets différents.

ODR : Quels étaient vos objectifs, avec votre série de cet été, en ce qui a trait à la programmation? Je constate que presque tous les films sont québécois, par exemple. Pourquoi?

RS : C’était très important pour Le Livart, et pour nous, d’avoir des gens présents; des créateurs, des artisans des films. C’est donc un peu le contexte de la pandémie, où les voyages internationaux sont limités, qui nous a dirigé vers une programmation principalement québécoise.

ADL : Nous avons voulu intégrer une combinaison de films que les gens connaissent (tout en les présentant différemment), comme La déesse des mouches à feu (2020) [on en parle ici], et de films de festivals plus méconnus. Je suis même certaine que plusieurs personnes ignorent que certains de nos films sont québécois. Je pense à Don’t Worry, The Doors Will Open (2019) d’Oksana Karpovych, une réalisatrice ukrainienne basée à Montréal. Il s’agit d’une production canadienne qui a été très bien reçue aux RIDM et ailleurs, mais qui n’a pas connu de sortie en salles… On a donc donné libre court à un échantillon de films, le plus  diversifié possible, surtout à travers des nouveautés des deux dernières années.

Le Livart. Crédit photo : Nick Dey

ODR : Je remarque aussi, dans votre programmation en ligne et sur votre site web, une parenté, au niveau de la programmation, avec le Cinéma Moderne, d’où vous venez toutes les deux. Comment envisagez-vous votre rôle de programmatrices dans le plus grand contexte des festivals et des autres cinémas à Montréal? Qu’est-ce que vous visez pour vos projections futures, pour l’étiquette Cinéma Public en général?

ARL : Notre premier réflexe n’est pas nécessairement de nous placer en rapport avec l’offre à Montréal. Je dirais que notre programmation est très instinctive. On partage nos coups de cœur, on surveille la programmation des festivals et la réception des films, on se tient au courant de l’actualité cinématographique… Nous programmons des films que nous aurions envie de voir tout en ayant à cœur la diversité, dans tous les sens du terme.

RS : L’idée de Cinéma Public a toujours été de présenter une offre complémentaire à ce qui se fait déjà à Montréal, autant au niveau de la forme (comment on projette les films, à l’extérieur, dans divers projets de médiation, dans des salles alternatives), qu’au niveau de la programmation.

ARL : Si nous présentons des films déjà à l’affiche dans d’autres cinémas, nous voulons idéalement le faire, encore une fois, d’une manière originale, en misant sur l’expérience en personne, sur des invités, et/ou des discussions autour des films présentés.

RS : Nous pensons qu’il est important, pour les salles de cinéma, de prendre davantage de risques. On se souvient par exemple du grand succès qu’a eu le Cinéma Moderne avec La flor (2018) de Mariano Llinás… C’est important que notre travail demeure à l’image de ce genre de prise de risque, entre autres parce que visiblement, le public en demande.

ODR : Vous avez parlé d’ouvrir un cinéma de quartier à Montréal dans les prochaines années. Où en êtes-vous avec ce projet, maintenant que Cinéma Public est lancé depuis quelques mois?

ARL : Nous voulons effectivement ouvrir un cinéma, une petite salle de quartier, dans un quartier minimalement excentrique. Au centre-ville il y a déjà le Moderne, Du Parc, La Cinémathèque… C’est important pour nous d’ouvrir une salle dans un endroit moins bien desservi et de tisser des liens avec les citoyens, les entreprises et les élus de l’endroit.

RS : À ce stade-ci, nous sommes encore en train de considérer nos options pour l’emplacement exact, selon le financement, les réactions, et les ressources disponibles, mais nous travaillons activement sur le projet, et espérons vraiment pouvoir ouvrir une salle le plus tôt possible.

ODR : Quand le Cinéma Moderne a ouvert en 2016, les médias s’inquiétaient de la rentabilité et de la place d’un tel projet à Montréal, alors que plusieurs salles indépendantes avaient récemment fermé. Avez-vous l’impression que ce climat change? Comment entrevoyez-vous la place qu’aurait votre cinéma à Montréal?

RS : Ce qui nous motive le plus c’est d’avoir assisté au grand engouement que le public montréalais a eu pour la programmation du Cinéma Moderne, dans toute sa diversité, dans les dernières années. Nous sommes convaincues qu’il y a un grand besoin, grandissant, pour ce genre de projet.

ARL : Beaucoup de films se retrouvent en festivals, mais pas en salles. D’un côté certaines salles ne prennent pas assez de risques, et de l’autre, tellement de films sont disponibles, ne sont pas assez vus. Nous ne sommes donc pas inquiètes, non plus, que nous allons toujours avoir du contenu intéressant et différent à présenter.

RS : C’est important, aussi, qu’on décentralise les activités culturelles à Montréal. La ville de Montréal nous dit que les cinémas de quartier sont très en demande, mais pour l’instant, presque inexistants. Nous espérons même que le besoin, qui demeure, ici, pour des projets comme le nôtre, va inciter d’autre entrepreneurs à se lancer dans des aventures similaires, et va mener vers un changement des modes de financement et des modèles économiques pour les salles de cinéma indépendantes; changement qui s’impose si on veut assurer la vitalité et la pérennité des cinémas de quartiers.

 

Lire notre entretien avec le Cinéma Moderne concernant la réouverture des salles pendant la pandémie.

Image de couverture : Site internet de Cinéma Public, image du film Hygiène sociale de Denis Côté.

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