Deux ans après Les grandes ondes, Lionel Baier sort cette année un nouveau long métrage, La vanité, tourné en Suisse (son pays natal), avec Carmen Maura. Sa comédie douce-amère autour du suicide assisté est une bulle hors du temps qui permet au spectateur de s’enfuir de la réalité le temps d’une heure quinze. Nous avons rencontré le réalisateur de passage à Montréal au Festival du Nouveau Cinéma.
Syril Tiar : La Vanité, votre dernier film, est tiré d’un fait divers… qui vous est personnel je crois ?
Lionel Baier : Cela m’a été raconté par un de mes étudiants en effet… Il se prostituait pour gagner sa vie. Il m’a raconté un jour l’anecdote alors qu’il travaillait dans un hôtel : Un type était venu le voir pour lui demander d’être témoin de son suicide. On est reparti de cette anecdote avec le scénariste.
ST: Dans un traitement complètement différent, le film fait écho à Quelques heures de printemps (de Stephane Brizé) mais avec un onirisme et une fantaisie à laquelle on ne s’attend pas …
LB : La démarche de Stephane Brizé est d’être proche de la réalité. Ce n’était pas du tout ma démarche qui était plus proche du conte.
ST : Pour moi c’est aussi un film sur le fait de savoir susciter le désir… les personnages sont sauvés à la fin car ils ont repris goût à la vie en un certain sens…. Est-ce que vous vouliez tourner ça ?
LB : La mort est un prétexte en effet. Vous avez raison que ce qui m’intéresse c’est la circulation du désir… Et ce que le personnage principal de David Miller n’a pas encore acquis, c’est le désir en effet.
ST : Était-ce votre souhait de filmer le personnage de prostitué comme un objet de désir ? On voit que le personnage principal se remet en question à un moment…
LB : Il y a l’expression française « il ne faut pas mourir idiot » qui me fait sourire… Il y a presque une forme de regret pour mon personnage principal….
ST : J’ai lu que tout le film avait été tourné en studio ? Vraiment ?
LB : Oui ! Cela décuple les émotions humaines…comme dans les années 1940/50. J’avais envie que cela sente un peu le faux…Comme une bizarrerie, un décalage avec la réalité.
Même les scènes d’extérieur sont en effet du studio.
ST : Comment avez-vous casté Carmen Maura ? Pourquoi elle ?
LB : Cela faisait longtemps que je voulais tourner avec. Les acteurs espagnols peuvent jouer des choses très sérieusement alors que les situations ne le sont pas du tout. Ils le font très bien.
C’est quelqu’un qui fonctionne au coup de cœur…Elle a aimé le scénario, la rencontre s’est bien passé… Je pense qu’elle a apprécié toute cette aventure.
ST : Avez-vous réadapté votre scénario en fonction des comédiens que vous aviez trouvé ?
LB : On adapte bien entendu…La scène où elle se cache derrière une poubelle, il n’y avait qu’elle pour savoir le faire…Elle le fait avec dignité. Elle aurait été une formidable actrice du muet.
ST : Où en est la tétralogie sur l’Europe ? A l’Est et à l’Ouest sont tournés… où en est la suite ?
LB : Je suis en train d’écrire au Sud…On verra s’il arrive à se faire financer bientôt. L’idée n’était pas forcement que les films se suivent….
Au sud parle de l’arrivée des migrants du point de vue d’un fonctionnaire des frontières… cela racontera la fin de l’utopie dont l’Europe s’est construite…peut-être en Italie, en Hongrie ou en Serbie…