Russie, 2018
Note: ★★★★
Pour ceux qui veulent s’amuser ou qui recherchent les sensations fortes, le cinéma est un incroyable terrain de jeux. Le jeune cinéaste russe Kirill Sokolov l’a bien compris. Avec sa première réalisation Why Don’t You Just Die!, il se fait un plaisir fou. Un plaisir contagieux qui se partage immédiatement avec le spectateur.
En multipliant les références et en s’inspirant du style des créateurs des films les plus jubilatoires du cinéma d’auteur populaire contemporain, tels Quentin Tarantino, Guy Ritchie et Danny Boyle, le jeune Sokolov raconte, avec un rythme rapide qui ne s’essouffle jamais, une histoire des plus divertissantes, marquée d’un humour noir décalé, d’une violence cartoonesque extrême, de plusieurs litres d’hémoglobine, le tout enrobé dans un emballage visuel stimulant.
L’histoire débute alors que Matiev, mi-vingtaine, armé d’un marteau, cogne à la porte de l’appartement du père de sa copine, un policier corrompu. Matiev n’a qu’un objectif : tuer le père à la demande de la fille. Policier d’expérience, la cible se doutera rapidement des intentions de son visiteur et un violent affrontement suivra. Une série de flashbacks et d’invités surprises à l’appartement révéleront les intentions masquées de tous et chacun, qui ne feront qu’envenimer la situation.
Tout comme Reservoir Dogs (1992) de Tarantino ou Shallow Grave (1994) de Boyle, avec lesquels le film de Sokolov partage plusieurs similarités formelles comme narratives, Why Don’t You Just Die! profite de la liberté du premier film. Il se permet de pousser sa folie à l’extrême pour un résultat jouissif.
Une grande part du plaisir du film est attribuable à son humour omniprésent, plus visuel que dialogué. Les scènes d’action, aussi violentes soient-elles, sont hilarantes par leur intensité et leur exagération. Autant par la surprise d’une attaque que l’anticipation de la violence d’une autre à venir, par le ridicule d’une situation ou l’expression faciale d’un personnage, l’humour frappe différemment mais à tout coup. Sokolov utilise une panoplie de petites astuces cinématographiques amusantes pour faire rire et rendre l’ensemble excitant : des travellings flagrants, des zoom in rapides, des ralentis répétés et plus encore.
En plus des renvois à l’américain Quentin Tarantino pour la narrativité et les explosions de violence et aux anglais Guy Ritchie et Danny Boyle pour le montage ultra dynamique, on retrouve aussi des références à l’américain Eli Roth dans sa dimension sanguinolente et évidement au maître italien Sergio Leone pour les face-à-face de ses westerns spaghetti. Mais ne vous y trompez pas : malgré ses inspirations internationales multiples, Why Don’t You Just Die! demeure un film profondément russe.
La comédie de Sokolov se positionne dans la mouvance d’un courant du cinéma russe contemporain qui comprend entre autres les drames très austères d’Andreï Zviaguintsev, auteur de Léviathan (2014) et de Loveless (2017). Tout comme Zviaguintsev, Sokolov se fait très critique de son pays en mutation dans une ère post-soviétique. Corruption, individualisme, absence d’amour sont des thèmes omniprésents dans les films de ces cinéastes qui tracent tous deux, de manière très différente, des portraits féroces et sans concession d’une Russie sans foi ni loi laissant son peuple désenchanté.
Bref, la violence de son message, derrière son comique dominant, frappe aussi fort que l’ultra violence de ses images.
Durée: 1h35
Ce film a été vu dans le cadre du Festival de cinéma de la ville de Québec.