Slovénie, Autriche, 2018
Note : ★★★ 1/2
Un party en Slovénie. Andrej (Matej Zemljic), 17 ans, se fait traîner dans une chambre à l’étage par une jeune fille. Ils s’embrassent, se déshabillent, mais Andrej n’est pas excité. L’acte n’aura pas lieu. Insultée, la jeune fille l’engueule avant de redescendre, en larmes, et de l’accuser de l’avoir agressée.
Andrej, qui possède déjà un passé de délinquance, se retrouve ainsi dans un centre de détention pour mineurs alors que sa mère ne veut plus s’occuper de lui et gérer ses déboires.
Comme plusieurs films carcéraux l’ont déjà montré, le fait d’être enfermé avec d’autres délinquants ne replace pas un individu sur le bon chemin. Tout au contraire, il ne fait qu’entretenir et amplifier le rapport à la criminalité.
C’est exactement le cas d’Andrej dans le premier et très prenant film du réalisateur slovène Darko Štante, Conséquences.Le spectateur est entièrement happé par cette histoire qui le frappe de plein fouet et Štante parvient à le garder en immersion tout au long grâce à son style naturaliste, cru et brut. Sa caméra transmet le ressenti sans avoir à se faire insistante ou sans avoir recours à des artifices de quelque sorte. Les performances authentiques des comédiens non professionnels, spécialement celle de Matej Zemljic qui incarne Andrej, participent aussi à créer le fort engagement du spectateur.
De cette manière frontale et naturelle est donc mise en scène une joute de pouvoir masculin où se mêlent subtilement intimidation et séduction. Masculinité toxique, homosexualité latente, abus de pouvoir, nécessité de prouver sa virilité, humiliation et effets de groupe sont également au menu. Le tout vécu dans la confusion associée à cet âge, exacerbée par une passion amoureuse taboue que le héros commence à découvrir.
Un grand désespoir se dégage du film de Štante. Il est impossible pour le protagoniste d’entrevoir une paix de l’esprit ou une perspective d’avenir saine et aucune aide ne lui est accessible. L’autorité du centre de détention ne fonctionne pas. Les intervenants ne peuvent appliquer de sanctions, leur seul outil est de menacer d’appeler la police, une menace qui n’impressionne personne. Les jeunes gèrent le centre à coup de violence et de jeux de pouvoir.
Lui-même ancien intervenant dans un centre de détention pour mineurs en Slovénie, le réalisateur témoigne d’un système judiciaire dysfonctionnel au sein d’un pays qui ne sait plus comment gérer sa jeunesse en perte de repères étatiques et parentaux, en proie à une détresse émotionnelle, face à un destin terrible et irrémédiable.
Darko Štante signe un scénario prévisible dont il est facile d’imaginer la triste fin. Or, cette prévisibilité est à propos, considérant le destin des protagonistes qui est tout autant prévisible, vu la cruelle absence de perspectives qui le caractérise.
Conséquences est un film difficile mais qui trouve sa beauté et son humanité dans la vérité de ses sentiments. Certes, film sur le désespoir, c’en est aussi un sur le besoin d’amour et d’affection commun à tous, peu importe les milieux et les conditions. C’est ce qui le rend si beau et si tragique.
Durée: 1h35
Ce film a été vu dans le cadre du Festival de cinéma de la ville de Québec (horaire et projections)